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Relations UE-Tunisie: où est la société civile ?

Lettre ouverte à l’Union européenne.

Mme la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen,

M. le Président du Conseil européen, Charles Michel,

M. le Président du Parlement européen, David Sassoli

Le nouvel Agenda de l’UE pour la Méditerranée, publiée le 9 février dernier, mentionne que « les organisations de la société civile et des partenaires sociaux restent des interlocuteurs clés dans l’élaboration et le suivi de la coopération européenne », tandis que le Plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024 souligne que « la société civile demeure un partenaire incontournable pour ce qui est de faire évoluer durablement les choses, ainsi que d’assurer le suivi et de faire le bilan des progrès accomplis ». Les Priorités stratégiques UE-Tunisie, définies en 2018, indiquent quant à elles que les deux parties continueront à accorder une importance particulière au renforcement « du rôle et de la participation de la société civile », et de leur « contribution au processus décisionnel ».

C’est donc avec stupéfaction qu’EuroMed Droits a découvert que la société civile n’était même pas mentionnée dans le communiqué conjoint publié suite à votre rencontre, début juin à Bruxelles, avec le Président de la République tunisienne, M. Kaïd Saïed, dans le cadre du deuxième Sommet Tunisie-Union européenne, et ce, contrairement au communiqué de presse publié après le premier Sommet de décembre 2016 avec feu le Président Essebsi. Le communiqué de juin 2021 porte essentiellement sur des thèmes comme la jeunesse, l’éducation, la culture et les relations économiques, en omettant le rôle clé joué par la société civile dans le cadre de la transition démocratique en Tunisie, comme l’a démontré la remise du Prix Nobel de la Paix au Quartet national en 2015. Dans une récente lettre ouverte au Président Saïed, des organisations tunisiennes de défense des droits humains se sont également émues de cette absence de mention.

Oubli ou acte manqué ?

Lors du webinaire du 14 juin dernier sur la mise en œuvre du Plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie 2020-2024 dans la région MENA, le Chef de la Délégation de l’UE en Tunisie, M. Marcus Cornaro, a mis en avant le « dialogue tripartite » ou « trilatéral » impliquant les autorités tunisiennes, la société civile et l’UE. Un mécanisme important et inédit dans toute la région qui a été encouragé par l’UE elle-même au point de vouloir le répliquer ailleurs, comme au Maroc. Or, ce dialogue n’est mentionné nulle part dans le communiqué conjoint publié après votre réunion avec le Président de la République tunisienne.

A l’instar des organisations tunisiennes qui ont écrit au Président Saïed [en français, en arabe], EuroMed Droits s’inquiète du peu de cas qui est fait du rôle de la société civile tunisienne dans ce communiqué. En espérant qu’il s’agisse d’un oubli et non d’un acte manqué, nous tenons à réaffirmer que la société civile doit plus que jamais être partie prenante dans le cadre des relations entre l’UE et la Tunisie, afin que l’aspiration démocratique née de la révolution de 2011 devienne une réalité tangible et pérenne. Nous espérons que l’Union européenne tiendra pleinement compte de cette revendication.

Wadih Al-Asmar

Président d’EuroMed Droits