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Pour mettre fin aux violences de genre dans la région MENA, des réformes conséquentes sont nécessaires

Une femme sur trois dans le monde est aujourd’hui victime de violence physique ou sexuelle de la part d’une personne de son entourage. La région Euro-Méditerranéenne n’est pas épargnée. Cette donnée tragique confirme (si tant est que cela fût nécessaire), qu’au XXIe siècle les violences fondées sur le genre restent un fléau à combattre. Et ce, sur les deux rives de la Méditerranée.

Si les violences de genre frappent le plus souvent dans la sphère privée, elles sont de nature politiques car facilitées par l’absence d’un cadre législatif égalitaire qui permette de protéger et rendre justice aux survivant·es. Les 16 jours d’activisme initiés chaque année du 25 novembre au 10 décembre par l’ONU sont l’occasion de rappeler le travail de fond menée par les organisations de la société civile depuis des années pour lutter contre ces violences. Depuis janvier 2023, EuroMed Droits répertorie les discriminations de genre législatives dans des fiches d’information par pays, avec l’appui de ses membres et partenaires.

Deux formes distinctes de discriminations s’observent dans plusieurs pays : celles intégrées dans les lois nationales (discriminations de jure) et celles provoquées en conséquence d’une interprétation patriarcale des lois ou de la non-application des lois existantes dans les sociétés patriarcales (discrimination de facto). Malheureusement dans ces deux cas, les exemples sont nombreux pour les pays de la zone Euro-Méditerranéenne.

Prenons le cas des lois sur les statuts personnels – aussi appelées Code de la Famille – en place dans de nombreux pays tels que le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, le Liban, l’Egypte, la Palestine et la Jordanie. Patriarcales et inégalitaires, ces lois perpétuent la domination masculine, en instituant un système de tutelle de l’homme sur la femme. Le meilleur exemple est probablement le droit à l’héritage : dans tous ces pays, le Code de la Famille stipule que les femmes ne sont pas en mesure d’hériter de la même somme que les hommes. Parce que ces discriminations légales et de fait pérennisent les violences de genre, elles doivent être abolies.

Quant aux règles en place ou en cours d’adoption dans la région Euro-méditerranéenne permettant de mieux lutter contre ces violences, elles tardent à être effectives. Le faible arsenal juridique déjà en place ou en phase d’adoption pour prévenir ces violences est aujourd’hui menacé par la multiplication des mouvements anti-genre dans la région, comme l’atteste la Backlash map d’EuroMed Droits.

Ces mouvements ne sont pas anodins. La Convention d’Istanbul par exemple, offrant aux femmes un cadre juridique protecteur contre les violences de genre, est décrédibilisée par de tels mouvements qui contestent l’utilisation du mot “genre” et prônent de soi-disantes « valeurs traditionnelles » basées sur une domination patriarcale. C’est ainsi qu’en juillet 2021 le gouvernement du Président Erdogan a décidé de retirer la Turquie de la Convention d’Istanbul.

La directive européenne relative à la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, actuellement en cours de négociations interinstitutionnelles, fait-elle aussi l’objet de désaccords politiques. Un débat est en cours au sujet des crimes devant être couverts par la Directive ; de l’inclusion ou non du viol ; de la terminologie liée au genre et de la forme sous laquelle la protection des victimes de violence devrait être assurée. Si un consensus n’est pas trouvé, ce débat pourrait mener à une refonte de cette Directive qui ne permettrait plus de protéger les femmes de toutes formes de violences.

A moins de six mois d’élections européennes cruciales pour l’avenir des forces progressistes en Europe, l’Union européenne ne peut pas flancher. Un investissement juridique et financier massif doit être engagé par l’Europe et ses partenaires dans la région euro-méditerranéenne pour favoriser la prévention et la justice pour les femmes victimes de violence de genre.