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Tunisie : les risques de l’initiative législative du Conseil Supérieur de la Magistrature

Vu la tournure dangereuse prise par le processus de mise en place du Conseil Supérieur de la Magistrature  suite à la position du Chef du gouvernement par rapport à notre appel pour une solution consensuelle à la crise, et devant le rejet du compromis proposé à travers l’initiative des trois présidents provenant du Conseil lui-même et entériné par la majorité de ses membres, et devant l’entêtement à imposer une solution n’émanant pas du Conseil par le biais d’une initiative législative contraire à la Constitution et à la réglementation relative au CSM en plus de favoriser la position d’une minorité au sein du Conseil,

Les organisations de la société civiles, soussignées, déplorent fortement l’ingérence claire et flagrante du Chef du gouvernement dans le processus de mise en place CSM en présentant une initiative législative qui favorise une partie du Conseil aux dépens de la majorité ouvrant la voie devant l’immixtion du pouvoir exécutif dans les équilibres du Conseil et compromettre ainsi son indépendance,

Considèrent que ladite initiative, qui est en fait un amendement législatif, constitue un retournement contre les dispositions du chapitre 5 de la Constitution et une démarche grave qui risque d’impliquer le pouvoir législatif dans un processus visant à exercer, de nouveau, une mainmise sur le pouvoir judiciaire,

Jugent qu’une telle initiative n’est pas en mesure de résoudre la crise et ne fera que l’approfondir en portant un coup à l’indépendance du Conseil tout en contribuant à ébranler davantage la confiance frêle qu’accorde le citoyen au Conseil ce qui aura un effet négatif direct sur la bonne marche et la performance de cette instance constitutionnelle qui vient à peine de naître. Elles considèrent également qu’une telle initiative constitue une déviation grave de l’exécutif et un détournement du processus législatif à des fins politicardes qui ne traduisent nullement la volonté du peuple ni sa souveraineté,

Réitèrent leur position en faveur de la solution consensuelle émanant du CSM et contenue dans l’initiative lancée par le premier président du Tribunal administratif, le président du Tribunal immobilier et le premier président de la Cour des comptes et validée par plus des deux tiers des membres du Conseil et estiment que la position du Chef du gouvernement à l’égard de ladite solution consensuelle constitue un ralliement explicite à l’avis de la minorité des membres du Conseil et une infraction à l’article 15 de la Constitution tout en faisant preuve de dédain à l’égard d’une position consensuelle, majoritaire et conforme à la loi,

Préviennent du danger de maintenir une initiative législative anticonstitutionnelle et contraire aux accords et traités internationaux qui attente à l’indépendance de la magistrature et constitue ainsi une première en matière législative qui ouvre la voie devant toutes sortes de violations des droits et des libertés garanties par la Constitution et la loi en vue de servir des intérêts qui n’ont aucun rapport avec la fonction législative et s’opposent aux fondements de l’état de droit,

Appellent tous les membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple à tenir le pouvoir législatif à l’écart de toute solution contraire aux dispositions de la Constitution et des accords et traités internationaux ratifiés par la Tunisie, les exhortent à refuser d’adhérer à un tel processus qui établit les bases de l’interférence des pouvoir et soumet le Conseil au jeu du partage partisan du pouvoir et invitent également les magistrats et tous les membres du corps judiciaire et les organisations de la société civile à la vigilance afin de préserver les acquis constitutionnels du peuple tunisien qui viennent renforcer l’indépendance de la magistrature et se positionnent en garant des droits et des libertés. Tous les efforts doivent donc être unifiés et toutes les forces mobilisées pour lutter par tous les moyens légaux et pacifistes contre cette initiative législative.

Organisations signataires

  • Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
  • Coordination Nationale Indépendante pour la Justice Transitionnelle
  • Syndicat National des Journalistes Tunisiens
  • Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement
  • Association Tunisienne des Jeunes avocats
  • Ligue des Electrices Tunisiennes
  • Organisation 23-10 pour l’appui de la transition démocratique
  • Association Thala Solidaire
  • Réseau National Anti-corruption
  • Centre d’Appui à la Transition Démocratique et aux Droits de l’Homme (Daam)
  • Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme