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Journée mondiale des réfugiés 2021 : vingt ans plus tard, des refoulements partout

Le 20 juin 2001, les Nations unies célébraient la première Journée mondiale des réfugiés, à l’occasion du 50e anniversaire de la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés. Vingt ans plus tard, loin de bénéficier d’une meilleure protection et d’un plus grand respect, les droits des réfugié.e.s et des demandeurs.ses d’asile sont de plus en plus violés dans toute la région euro-méditerranéenne, d’Est en Ouest, du Nord au Sud. Les grands principes du droit des réfugiés tels que consacrés par la Convention de 1951 ne sont pas épargnés.

Pire encore, l’espace octroyé aux réfugié.e.s pour demander l’asile se rétrécit. Nombre d’entre eux.elles sont refoulé.e.s[1], en violation flagrante du principe de non-refoulement. Ces pratiques illégales, accentuées par la crise sanitaire actuelle,  provoquent d’énormes souffrances, violences et décès.

Refoulements en Méditerranée occidentale et centrale

A la frontière entre le Maroc et l’Espagne, de Ceuta et Melilla, les refoulements perdurent depuis longtemps. Ils incluent des refoulements dits « à chaud », par lesquels des personnes sont arrêtées et renvoyées au Maroc, sans identification ni accès à un.e avocat.e ou à un.e interprète. À la mi-mai 2021, sur les quelque 10.000 personnes ayant traversé la frontière entre le Maroc et Ceuta, la plupart ont été refoulées au Maroc, y compris des enfants non accompagnés.

En Méditerranée centrale, le refoulement vers la Libye de migrant.e.s en détresse en mer, par les « garde-côtes libyens » (LCG), est en fait un refoulement par procuration étant donné que l’Italie fournit une formation et des fonds aux LCG, leur permettant ainsi d’intercepter et de renvoyer les migrant.e.s en Libye, où ils.elles sont soumis.e.s à une détention arbitraire, à la torture et à des abus sexuels. Des refoulements par procuration similaires sont également effectués à partir des zones de recherche et de sauvetage maltaises. En une seule journée, le 12 juin 2021, environ 1.000 personnes ont été interceptées en mer et renvoyées en Libye, sur les plus de 12.000 personnes qui ont été renvoyées depuis janvier 2021.

Refoulements en Méditerranée orientale

En Méditerranée orientale,  la situation n’est guère différente. De nombreux rapports documentent de violents refoulements de la Grèce vers la Turquie en mer Égée et à la frontière terrestre du fleuve Evros, impliquant souvent l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex. Entre mai 2019 et novembre 2020, le Border Violence Monitoring Network (BVMN) a documenté près de 50 incidents de refoulements illégaux et violents à la frontière gréco-turque, dont des Syrien.ne.s, y compris des enfants et des familles. Pour la seule année 2020, l’ONG Mare Liberum a recensé 321 refoulements en mer Égée, au cours desquels quelque 9.798 personnes ont été renvoyées en Turquie.

Ces refoulements augmentent le risque déjà élevé de refoulement en chaîne vers la Syrie dont nul ne peut dire que la situation est normalisée. L’ONU, des chercheurs et des organisations de la société civile ont tous documenté le risque pour les Syrien.ne.s d’être arrêté.e.s, détenu.e.s, torturé.e.s, tué.e.s et/ou enrôlé.e.s de force dans l’armée à leur retour en Syrie. D’autres refoulements ont récemment été signalés de Chypre vers le Liban et la Turquie (au moins 500 personnes depuis mars 2020 au cours de différents épisodes), avec là aussi un risque élevé de refoulement en chaîne vers la Syrie. Les 1er et 3 juin 2021 par exemple, les autorités libanaises ont expulsé vers la Syrie au moins six personnes, dont un mineur, qui avaient déjà été refoulées par Chypre le 16 mai 2021.

Refoulements vers les pays tiers

La route des Balkans est connue pour ses nombreux refoulements en chaîne. Les personnes risquent alors d’être refoulées à plusieurs reprises, notamment de l’Italie vers la Slovénie, de la Slovénie vers la Croatie, puis de la Croatie vers la Bosnie-Herzégovine ou la Serbie. Les refoulements par la Croatie impliquent un niveau de violence sans précédent, comprenant des coups, abus sexuels, vols et des humiliations.

Refoulements et expulsions violentes concernent également des zones hors de l’espace européen : les refoulements de l’Algérie vers le Niger se multiplient depuis octobre 2020, avec un total de 4.370 personnes expulsées de janvier à avril 2021.

Refoulements aux frontières intérieures de l’UE

Des refoulements ont également lieu aux frontières intérieures de l’UE et au sein de l’espace Schengen : de l’Italie vers la Slovénie, de la France vers l’Italie (par la frontière alpine et la frontière Ventimiglia-Menton) et de la France vers l’Espagne. Le projet de la société civile Progetto20K a documenté environ 10 à 60 refoulements par jour en avril et mai 2021 à la frontière franco-italienne à Vintimille. En seulement cinq mois, entre novembre 2020 et mars 2021, la France a renvoyé près de 16.000 migrant.e.s en Espagne (près de 3.000 par mois).

Les organisations de la société civile, dont EuroMed Droits, ainsi que les institutions de l’ONU et la Commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, exhortent les États membres de l’UE et les pays de toute la région à mettre immédiatement fin à ces pratiques illégales, à respecter le principe de non-refoulement et à se conformer à leurs obligations en vertu du droit international.

N’attendons pas vingt ans de plus pour que la situation empire encore.

[1] Les refoulements (comme traduction depuis l’anglais de pushbacks) peuvent être décrits comme diverses mesures prises par les États ayant pour conséquence le retour forcé de migrant.e.s, demandeurs.ses d’asile et réfugié.e.s dans le pays à partir duquel ils.elles ont tenté de traverser, ou le refus de toute évaluation individuelle de leurs besoins de protection. Voir la définition du Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains des migrants.