La paranoïa, la cruauté et l’exploitation sont des termes qui pourraient être associés aux relations controversées qu’entretient le gouvernement égyptien avec les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux constituent un outil essentiel pour les organisations et les défenseurs.ses des droits humains en Egypte; ils leur permettent de partager des messages alors même que 500 sites internet sont bloqués et que l’Egypte a un fort taux d’utilisation des réseaux sociaux. Le rôle clef joué par Facebook lors de la révolution de 2011 et, plus récemment, lors des manifestations suscitées par l’ancien entrepreneur immobilier et artiste Mohamed Ali démontre le potentiel de cet outil pour créer une ouverture démocratique en Egypte.
Ces facteurs ont amené le régime à craindre les réseaux sociaux et à adopter des pratiques autoritaires et une législation draconienne. Les arrestations pour violation de la liberté d’expression numérique, menées sur la base de fausses accusations telles que « la publication de fausses informations » ou « le mauvais usage des réseaux sociaux » ont augmenté de manière exponentielle depuis 2016. Pendant la pandémie de COVID-19, elles ont pris la forme d’arrestations d’influenceuses sur le réseau social TikTok au nom de la défense des « valeurs familiales ». En 2018, les autorités ont adopté une loi sur la cybercriminalité qui autorise la censure et la surveillance généralisée des communications. Dans le même temps, une loi sur la régulation des médias stipulait que tous les comptes ayant plus de 5.000 followers sur les réseaux sociaux seraient traités comme des organes de presse et seraient donc sujets à la censure et à des pénalités dans le cas où des infox seraient publiées.
Les autorités tentent de justifier ces pratiques par un discours centré sur la protection : les infox sur les réseaux sociaux représentent un « danger » pour la nation, que l’Etat doit protéger. Un communiqué officiel du ministère public « assure que la protection de ces frontières numériques […] est une manière d’adresser les abus des forces du mal [qui] tentent de détruire notre société, démolir ses valeurs et ses principes […] ».
Dans le même temps, les réseaux sociaux font partie de la boîte à outils répressive du gouvernement qui les utilise pour diffuser sa propre propagande et attaquer les voix alternatives. C’est l’une des raisons pour laquelle le gouvernement n’a pas directement bloqué les plateformes des réseaux sociaux. S’ajoute à cela le coût politique et économique qu’entraînerait une fermeture d’internet pendant une seule journée, estimé par le Cost of Internet Shutdown Tool à plus de 18 millions de dollars). Les autorités ont joué un rôle essentiel dans la fermeture de pages Facebook d’activistes et dans le « trolling » de leurs comptes, à tel point que Twitter a retiré des milliers de faux comptes liés au gouvernement égyptien. Ces faux comptes, qui tombent sous la définition criminelle de la propre loi du gouvernement sur la cybercriminalité, sont utilisés pour couvrir les couacs du gouvernement et diffamer les opposant.e.s.
A ne pas manquer: le tout nouveau rapport d’EuroMed Droits (en anglais) : « Dangerous liaisons : social media as a (flawed) tool of resistance in Egypt ».