Le 18 mars dernier, l’Espagne a opéré un changement à 180 degrés dans ses relations avec le Maroc qui, selon les termes du gouvernement espagnol, « met fin à la crise politique ». Cette brouille diplomatique de longue date était liée aux divergences de vue fondamentales sur la question du Sahara occidental, ancien territoire espagnol annexé en 1975 par le Maroc. Désormais, l’Espagne soutient le projet d’autonomie sous souveraineté marocaine, déclarant qu’il s’agit de la voie « la plus sérieuse, crédible et réaliste » pour résoudre le conflit. L’Espagne rejoint ainsi, de manière encore plus explicite, des pays comme la France et l’Allemagne.
Ce changement de doctrine n’est pas étranger à la question migratoire et la pression que le Maroc a exercé en lien avec la présence en Espagne, en avril-mai 2021, du chef du Front Polisario, Brahim Ghali, pour y être soigné du COVID. Un mois plus tard, l’enclave espagnole de Ceuta, sur la côte nord du Maroc, faisait face à l’arrivée massive de migrants après que le Maroc a relâché sa surveillance des frontières. Cette décision, que la Ministre espagnole de la Défense avait qualifiée à l’époque de « chantage », s’inscrit dans un schéma où le Maroc utilise la migration pour tenter de forcer l’Europe à accepter sa position sur le Sahara occidental.
Deux poids, deux mesures ?
L’Algérie n’a pas manqué de réagir à ce nouveau positionnement espagnol en rappelant son ambassadeur, ce qui risque de provoquer une crise persistante entre l’Espagne et l’Algérie, l’un des principaux fournisseurs de gaz de l’UE (40% du gaz importé par l’Espagne), à l’heure où celle-ci cherche des alternatives au gaz russe. Vu le désir de la Russie d’adjoindre l’Ukraine à son pré carré, la position de l’Espagne risque de mettre l’UE en porte-à-faux par rapport à la volonté européenne de défendre un ordre international fondé sur des principes communs, ouvrant ainsi la porte à des accusations de « deux poids, deux mesures ».
Mise dans l’embarras par la révélation, du fait de la partie marocaine, du contenu de la lettre du gouvernement de Pedro Sànchez à Mohammed VI, le nouveau Ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a rencontré l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan De Mistura, et a réaffirmé le soutien de l’Espagne à une « solution mutuellement convenue dans le cadre des Nations unies ». L’Espagne a nié que sa décision représentait un changement fondamental de politique, même si elle l’a décrite comme un « tournant historique » pour les relations bilatérales avec le Maroc. De l’art d’ajouter de la confusion à l’incertitude…