Le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH), l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) dénoncent l’arrestation et le placement en détention du défenseur des droits de l’Homme Mohamed Smaïn.
Mohamed Smaïn, qui n’a jamais cessé de se battre aux côtés des familles de victimes du conflit civil des années 90, a été arrêté dans la matinée du 19 juin 2012, par des éléments des brigades mobiles de la police judiciaire de la Sûreté de la Wilaya de Relizane, sans mandat d’amener ni d’arrêt. Selon les informations reçues, cette arrestation fait suite au défaut de présentation de M. Smaïn suite à deux convocations du Parquet général de Relizane pour se soumettre à une contre-expertise médicale. Or d’après M. Smaïn, lesdites convocations ne lui ont jamais été transmises. De fait, M. Smaïn purge depuis une condamnation à une peine de prison de deux mois.
Nos organisations rappellent que le 27 octobre 2011, la Cour suprême a confirmé la condamnation de M. Smaïn à deux mois de prison ferme, 50 000 dinars algériens d’amende et 10 000 dinars algériens de dédommagement en faveur de chacun de plaignants. Ce procès découle d’une plainte pour “diffamation », « outrage » et « dénonciation de crimes imaginaires » déposée par Mohamed Fergane, ancien maire de Relizane et responsable de la milice dite de “légitime défense » pour la Wilaya de Relizane, ainsi que par huit autres ex « Patriotes ». Cette plainte avait été introduite après que Mohamed Smaïn eut alerté la presse algérienne, le 3 février 2001, sur l’exhumation, par les services de gendarmerie et la milice de Fergane, d’un charnier qu’il avait découvert et sur le déplacement de ce dernier vers un lieu inconnu. Une demande de surseoir à l’exécution de la peine de prison, faisant suite à une demande de grâce auprès du Ministère de la justice introduite par Mohamed Smaïn pour raisons de santé en vertu de l’article 16, paragraphe 8 du Code portant organisation de l’administration pénitentiaire, restait en cours d’examen. M. Smaïn est en effet atteint d’une grave maladie qui nécessite des soins réguliers.
Le harcèlement dont est victime Mohamed Smaïn est symptomatique du climat d’impunité qui prévaut en Algérie. Les activités de Mohamed Smaïn à Oran et Relizane en faveur des familles de disparus et son action pour que la vérité soit faite sur les violations perpétrées en Algérie, particulièrement pendant le conflit civil qui a ravagé le pays dans les années 90, lui valent d’être la cible des autorités. Pour rappel, suite à une plainte pour “actes de torture et de barbarie » déposée le 10 octobre 2003 par la FIDH et la Ligue française des droits de l’Homme et du citoyen (LDH), soutenues par la section de Relizane de la LADDH, Mohamed Smaïn a été appelé à se constituer partie civile devant la justice française dans le cadre d’une instruction ouverte à Nîmes contre d’anciens miliciens, les frères Mohamed accusés de s’être livrés à de nombreuses exactions contre la population civile et d’avoir semé la terreur.
Nos organisations appellent les autorités à libérer immédiatement et inconditionnellement M. Mohamed Smaïn et mettre fin au harcèlement judiciaire dont il est victime, qui ne vise qu’à sanctionner son rôle dans la lutte contre l’impunité en Algérie.
Enfin, nos organisations appellent les autorités algériennes à mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme algériens, afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement. Elles rappellent aux autorités algériennes leur obligation de se conformer, en toutes circonstances, aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, ainsi qu’aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, qui prévoit notamment en son article 6.b que «chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales, et par ces moyens et autres moyens appropriés d’appeler l’attention du public sur la question».