L’Observatoire pour la protection des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme s’inquiètent de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire mené contre le défenseur des droits de l’Homme Abdelkader Kherba et, plus généralement, dénoncent le climat de répression judiciaire et administrative entourant l’action des défenseurs des droits de l’homme en Algérie, à l’heure où la campagne électorale pour les élections législatives est en cours.
Abdelkader Kherba, membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), doit être jugé le 26 avril 2012 par le Tribunal de Sidi Mohamed pour « incitation directe à attroupement » en vertu de l’article 100 du Code pénal. M. Kherba est détenu depuis le 18 avril pour avoir assisté et filmé un sit-in organisé dans le cadre d’un mouvement social de protestation des greffiers portant sur les conditions de travail dans le milieu de la justice.
Sur décision du procureur, M. Kherba a été inculpé le 19 avril dans le cadre d’une procédure de flagrant délit. Les conditions procédurales sont d’autant plus préoccupantes que son placement en détention provisoire paraît avoir été délibérément prolongé. Cette durée abusive paraît ainsi traduire la volonté des autorités judiciaires d’entraver le libre exercice par M. Kherba de ses activités de défense des droits de l’Homme. De plus, ses avocats n’ont toujours pas eu accès au dossier.
En outre, le 24 avril, plusieurs participants de ce même mouvement de protestation qui tentaient de tenir un sit-in devant la présidence de la République ont été brutalement réprimés, causant de nombreux blessés, en particulier des femmes. Plus de 100 personnes ont été arrêtées et retenues jusqu’au soir.
Ces faits s’inscrivent, plus largement, dans un climat général de harcèlement judiciaire et administratif entourant l’action de celles et ceux qui revendiquent le respect des droits de l’Homme en Algérie. La liberté de manifestation est régulièrement entravée, en particulier dans la capitale où un dispositif policier encore plus important est déployé en cette période électorale. La participation à un rassemblement ou à une action de tractage vaut une journée au commissariat pour les militants algériens.
Ainsi, Hadj Aïssa Abbas et Mohamed Bouamer, représentants de la CNDDC de Laghouat, ont subi un harcèlement judiciaire pendant deux mois avant d’être finalement acquittés le 28 mars dernier. Malika Fallil, présidente du Comité des travailleurs du pré-emploi et filet social, et Tahar Belabès, porte-parole du CNDDC, ont été arrêtés à plusieurs reprises entre janvier et février au cours de rassemblements pacifiques. Plus récemment, le 14 avril, Abdou Bendjoudi, l’un des responsables du Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (MJIC), a été agressé par un agent de police et retenu au commissariat de la rue Cavaignac avec 24 militants d’autres organisations, notamment SOS Disparus, parmi lesquels Fatima Yous, Djedjigua Cherguit, Hacene Ferhati et Slimane Hamitouche, à l’occasion d’un rassemblement organisé pour appeler au boycott des élections en raison des pratiques du Gouvernement contraires aux principes démocratiques et de justice sociale. Le 20 avril, cinq membres de l’association Rassemblement action jeunesse (RAJ), dont son président, Abdelouahab Fersaoui, ont été interpellés et interrogés au commissariat alors qu’ils se trouvaient sur la place de la Grande Poste d’Alger pour discuter avec un journaliste de la situation sociale et économique des jeunes en Algérie, 50 ans après l’indépendance.
« Plus d’un an après la levée de l’état d’urgence par un décret du 24 février 2011, la répression à l’encontre des défenseurs des droits économiques et sociaux s’intensifie, signe de la crainte des autorités de voir se lever un mouvement de protestation similaire à ceux qui ont touché plusieurs pays d’Afrique du Nord au cours de l’année 2011 », déclare Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
« Le décret de levée de l’état d’urgence n’est qu’un faire valoir derrière lequel les entraves à l’exercice des libertés d’association et de réunion ainsi que les violations des droits des défenseurs se sont aggravées », ajoute Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT. En effet, la nouvelle Loi n°12-06 du 12 janvier 2012 relative aux associations est extrêmement répressive, mettant notamment en place un régime d’autorisation préalable et imposant des restrictions importantes à la vie associative notamment en matière de financement et de coopération avec les organisations internationales.
L’Observatoire et le REMDH dénoncent vivement le harcèlement judiciaire de M. Abdelkader Kherba et demandent sa libération immédiate et sans condition. L’Observatoire et le REMDH demandent en outre aux autorités algériennes de mettre un terme au climat de répression judiciaire et administrative entourant l’action des défenseurs des droits de l’homme en Algérie.
« Nos organisations rappellent que les autorités doivent se conformer à tout moment aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs ainsi qu’aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par l’Algérie », conclut Kamel Jendoubi, président du REMDH.
Nos organisations demandent, par ailleurs, aux organisations qui ont déployé des observateurs électoraux dans le pays, notamment la Ligue arabe, l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies, d’appeler les autorités algériennes à mettre un terme aux actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et aux violations des libertés d’expression, de manifestation pacifique et d’association.