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A tribord ou à bâbord, pas de port sûr en vue

La situation inhumaine et désastreuse en Libye, avec l’escalade du conflit et la propagation du coronavirus, a entraîné une augmentation récente des départs. Au cours du seul mois de mai, environ 1.000 personnes ont tenté la traversée de la Méditerranée. Plus de 400 ont été interceptées par les soi-disant garde-côtes libyens et ramenées dans des centres de détention près de Tripoli. Au moins deux personnes sont mortes pendant l’opération, tandis que 30 migrant.e.s ont été abattu.e.s pour venger la mort d’un trafiquant au sud-ouest de Tripoli. Les départs d’Algérie et de Tunisie ont également repris, laissant au moins un mort et six disparus au large des côtes tunisiennes.

La plupart des migrant.e.s ont débarqué de manière autonome en Sicile, Italie, et environ 214 personnes sont maintenant détenues dans un bateau de quarantaine, le « Moby Zaza », au large des côtes italiennes. Le 20 mai 2020, un homme à bord du Moby Zaza s’est jeté à la mer et en est mort. Dans le même temps, Malte utilise à son tour l’excuse du COVID-19 pour détenir dans des conditions insupportables environ 300 migrant.e.s secouru.e.s sur les ferries « Captain Morgan » au large de ses côtes. Malte fait aussi l’objet d’une enquête pour avoir utilisé des navires privés pour repousser des migrant.e.s vers la Libye et pour avoir mis en danger la vie de 101 personnes en détresse avant de faciliter leur arrivée en Italie. La Valette menace de mettre son veto à l’opération Irini, qui a débuté début mai devant les côtes libyennes, à moins que d’autres pays de l’UE n’acceptent de reloger les migrant.e.s actuellement hébergé.e.s sur les bateaux « Captain Morgan ». Autre signe inquiétant, le Président du Conseil présidentiel libyen, Fayez Al-Sarraj, et le Premier Ministre maltais, Robert Abela, ont signé jeudi dernier un protocole d’accord concernant la gestion des flux migratoires et le renforcement des relations bilatérales.

Dans le contexte des violations systématiques des droits humains en Méditerranée centrale, les experts et les universitaires avertissent que « les obligations de non-refoulement continuent à s’appliquer même dans les situations d’urgence; une dérogation n’est pas autorisée par le droit international ».

Au début de ce mois, trois ONG maltaises ont écrit une lettre conjointe à la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johannson, demandant instamment à l’UE de trouver une solution rapide pour les migrant.e.s détenu.e.s sur les bateaux. Par ailleurs, la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a écrit une lettre exhortant Malte à « remplir ses obligations de sauver des vies en mer, d’assurer un débarquement rapide et sûr, et d’enquêter sur les allégations de retard ou de non-réponse aux situations de détresse ».

Des appels aux États européens afin qu’ils débarquent les migrant.e.s et réfugié.e.s sauvé.e.s, actuellement à bord des navires « Captain Morgan », ont également été lancés par le HCR et l’OIM, rappelant aux États leurs obligations en vertu du droit international de fournir une assistance aux navires en détresse en mer. Ils ont ainsi rappelé que les ports libyens n’étaient pas sûrs.

La migration pendant la pandémie COVID-19 sera discutée le 15 juin dans le cadre d’une série de webinaires organisés par EuroMed Droits. Pour en savoir plus, cliquez ici.