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63 migrants morts en Méditerranée : des survivants poursuivent leur quête de justice

Deux survivants d’un drame ayant causé la mort de 63 migrants en mer Méditerranée en avril 2011 ont déposé plainte aujourd’hui devant le Tribunal de grande instance de Paris et l’Audiencia Nacional à Madrid, visant la responsabilité des armées française et espagnole pour non assistance à personne en danger. Le Gisti, la FIDH, la LDH et Migreurop se sont constitués parties civiles en France auprès des survivants.
La plainte en France fait suite à la décision du Parquet de Paris de classer sans suite une première plainte qui avait été déposée en avril 2012 par plusieurs survivants. Aujourd’hui, le dépôt de plaintes avec constitution de partie civile en France et en Espagne contraint l’ouverture d’une instruction judiciaire dans ces deux pays.Notre Coalition*, qui soutient les survivants de cette tragédie, attend de la justice française et espagnole qu’elles sanctionnent la violation flagrante de l’obligation de porter secours à toute personne en péril commise par les forces militaires de leur pays qui ont reçu les messages de détresse de l’embarcation en dérive. Rien ne peut justifier qu’aucun secours n’ait été apporté aux passagers du canot pneumatique qui a croisé la route d’avion, d’hélicoptère et de bateaux militaires.Une enquête de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, publiée en avril 2012, a conclu que, « Les pays dont les navires dans les environs du bateau battaient pavillon ont manqué à leur obligation de sauver ces personnes ». Dernièrement, la Cour européenne des droits de l’Homme a été amenée à se prononcer sur le sort réservé par l’Italie aux migrants qui tentent de gagner l’Europe par la Mer. Elle a qualifié d’intolérable le mépris et l’indifférence qui leur sont réservés, affirmant que la mer Méditerranée n’est pas une zone de non droit.

Cette affaire met également en cause les forces militaires britanniques, italiennes, canadiennes et belges qui se trouvaient elles aussi à proximité de l’embarcation en dérive. A ce titre, les survivants ont d’ores et déjà déposé plainte en Italie et très prochainement en Belgique. Par ailleurs, au Royaume-Uni et au Canada, où il n’est pas permis aux victimes d’engager elles-mêmes des poursuites, et faute de réponses adéquates des gouvernements respectifs, des demandes de communication d’informations ont été déposées, afin d’obtenir des précisions sur les actions des armées de ces deux pays en Méditerranée à la période des faits litigieux.

Rappel des faits :

En mars 2011, 72 migrants quittent la Libye en guerre, à bord d’un zodiac à destination de l’Italie. Très rapidement, ils perdent le contrôle de l’embarcation et lancent un appel au secours. Leur appel est reçu par les garde-côtes italiens qui adressent alors des messages de détresse à l’OTAN et aux bâtiments militaires présents en mer Méditerranée en indiquant leur localisation. Ces appels seront renouvelés toutes les 4 heures pendant 10 jours. Personne ne leur vient en aide. Le zodiac croise un avion, des hélicoptères militaires, deux bateaux de pêche et un gros navire militaire, qui ignorent ses signaux de détresse. Après 15 jours de dérive, le bateau est rejeté sur les côtes libyennes. A son bord, seuls 11 survivants, dont 2 meurent peu après le débarquement en Libye. 63 personnes, dont 20 femmes et 3 enfants, ont trouvé la mort faute de secours. (Voir, Communiqué de presse, « 63 migrants morts en Méditerranée : l’armée française mise en cause pour non-assistance à personnes en danger », et le rapport de Forensic Oceanography).

Durant l’année 2011, marquée par les crises en Afrique du Nord, plus de 2000 personnes seraient mortes ou disparues en Méditerranée, alors que les eaux au large de la Libye étaient massivement occupées par des forces militaires disposant d’équipements sophistiqués. A l’occasion de cette plainte, notre Coalition rappelle le caractère inconditionnel de l’obligation d’assistance en mer qui s’impose à toute entité présente.

*La Coalition regroupe les organisations suivantes : The Aire Centre, Agenzia Habeshia, Associazione Ricreativa e Culturale Italiana (ARCI), Associazione per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione (ASGI), Boats4People, Canadian Centre for International Justice, Coordination et initiatives pour réfugiés et immigrés (Ciré), Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), Ligue belge des droits de l’Homme (LDH), Ligue française des droits de l’Homme (LDH), Migreurop, Progress Lawyers Network, Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), Unione Forense per la Tutela dei Diritti Umani (UFTDU).