Après le gel du parlement et le limogeage du chef du gouvernement le 25 juillet 2021, la décision du Président Kaïs Saïed, le 6 février dernier, de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et de le remplacer par un mécanisme provisoire marque un tournant dans l’histoire de la Tunisie.
En nommant un conseil provisoire, en s’attribuant le droit de limoger les juges et en leur interdisant de faire grève, Kaïs Saïed renforce davantage des pouvoirs déjà confortablement affermis par le décret présidentiel n°2021-117 du 22 septembre 2021.
Cette récente décision a suscité de vives réactions de la part des partis politiques et de la société civile tunisienne, mais aussi des pays amis et alliés de la Tunisie qui la considèrent comme un nouveau pas vers une concentration des pouvoirs entre les mains de la Présidence. Le Ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié cette décision de « perturbante » tandis que les représentants des pays du G7 se sont déclarés « préoccupés ».
Des réactions et des préoccupations balayées par Kaïs Saïed qui a tenu à rappeler que « la Tunisie est un pays souverain qui œuvre pour l’instauration d’une société de droit ». Le président Saïed a ainsi affirmé que « ceux qui exprim[ai]ent leurs inquiétudes connaiss[ai]ent très bien les dépassements qui [avaient] eu lieu, ainsi que les assassinats et les abus commis sur l’argent public, et [qu’]ils ne sembl[ai]ent pas s’en préoccuper ».
Pour sa part, le vice-Président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme, Bassem Trifi, a condamné cette démarche et a considéré qu’il aurait été plus judicieux de modifier la composition du CSM que de le remplacer par un nouvel organisme sous la tutelle du Président de la République. L’Association des magistrats tunisiens a, de son côté, appelé à une manifestation devant le Tribunal de Cassation en réponse au ciblage et à l’assujettissement de la justice. Une situation à suivre de très près…