A l’occasion de la Journée mondiale des Réfugiés, le Réseau euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH) tient à exprimer ses graves préoccupations au sujet des violations permanentes des droits des réfugiés dans la région euro-méditerranéenne, et de la réticence des Etats à respecter leurs obligations à l’égard du droit international.
La réponse inqualifiable apportée à la crise des réfugiés syriens n’est qu’un exemple de la façon dont les Etats cherchent à se soustraire à leurs responsabilités envers ceux qui fuient la guerre et les persécutions. La guerre a provoqué le déplacement forcé de 9 millions de personnes, et près de 2,8 millions de réfugiés dont plus de 70% sont des enfants et des femmes ont fui vers les pays voisins, où ils vivent désormais dans des conditions précaires. Parmi eux se trouvent aussi de nombreux réfugiés palestiniens. Ces derniers ne sont pas seulement des personnes déplacées pour cause de guerre, ce sont des apatrides, dont les chances sont bien minces de retourner un jour dans un pays qui ne les a jamais reconnus comme des citoyens. La Jordanie, le Liban et l’Egypte, en dépit de leurs obligations, ont à plusieurs reprises refusé l’entrée à des groupes de Palestiniens.
Les Etats d’Afrique du Nord, peu affectés par le conflit, imposent aussi des restrictions à l’entrée et au séjour des réfugiés venus de Syrie. Ceux qui ont réussi à atteindre ces pays sont « tolérés », mais ne reçoivent pas des institutions nationales le soutien dont ils ont besoin. Recemment, deux familles syriennes, dont quatre enfants, ont été prises au piège, pendant plus de trois semaines, dans le no man’s land qui sépare le Maroc et l’Algérie, les deux pays leur refusant le droit d’entrée. Le REMDH a déjà fait état de la situation précaire des migrants et des réfugiés le long de cette frontière tristement célèbre, dans un précédent rapport, Maghnia, franchir la frontière infranchissable.
Depuis le début du conflit, environ 81 000 personnes fuyant la Syrie ont réussi à demander l’asile dans des pays de l’UE. Dans l’incapacité croissante d’obtenir des visas pour l’Europe, les Syriens sont forcés de s’en remettre aux services de passeurs sans scrupules, risquant leur vie dans l’espoir de gagner un pays plus sûr. Ces voyages sont rendus plus dangereux encore par la conduite criminelle de la police européenne aux frontières. Les témoignages produits par plusieurs organisations font état d’épisodes de refoulement systématiques et souvent violents à la frontière gréco-turque, impliquant des familles et des enfants, et provoquant parfois des accidents et des décès en mer. Dans le même temps, des pays d’entrée comme la Grèce ou la Bulgarie détiennent les réfugiés dans des conditions déplorables. Ces pratiques constituent une violation flagrante des conventions internationales, qui condamnent et interdisent formellement le refoulement, l’expulsion et la détention des demandeurs d’asile.
Par ailleurs, l’appel initial du HCR demandant la réinstallation en 2014 de 30 000 réfugiés venus de Syrie a seulement été atteint grâce aux efforts de plaidoyer alors même qu’il ne s’agit que d’un faible pourcentage de 1% de la population réfugiée syrienne. Bien que l’Allemagne se soit récemment engagée à accueillir un contingent supplémentaire de 10 000 réfugiés, le nombre de réinstallations dans les Etats européens – autour de 32 000 au total – reste tragiquement bas. De plus, certains pays européens n’ont pas encore fait leur choix en ce qui concerne les réfugiés qu’ils se sont engagés à réinstaller pour 2014, après six mois de tergiversations et malgré la gravité et l’urgence de la situation.
Bien que la crise des réfugiés syriens soit l’une des plus graves de l’histoire récente, il importe de ne pas oublier la situation d’autres réfugiés de la région qui fuient la guerre et les persécutions – par exemple des Afghans, des Erythréens et des Ethiopiens. Sachant qu’à l’heure actuelle la réinstallation n’est possible que pour moins de 10% des réfugiés dans le monde, les mesures de réinstallation qui concernent les réfugiés syriens doivent ajouter aux quotas annuels existants, et non pas s’y substituer, comme cela a été le cas dans certains pays de l’UE dont la France et l’Irlande. Les fonds alloués aux réfugiés venus de Syrie ne doivent pas se faire au détriment des autres populations de réfugiés, qui doivent aussi affronter les manquements et les violations de leurs droits, et dont les perspectives d’intégration à long terme dans les pays hôtes sont très limitées.
Dans ce contexte, le REMDH exhorte une nouvelle fois les pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à respecter leurs obligations internationales envers les réfugiés et les demandeurs d’asile. Ceux qui fuient la guerre et les persécutions, qu’ils viennent de Syrie ou d’ailleurs, doivent trouver refuge dans un endroit sûr, où leurs droits seront respectés, et où ils auront la possibilité de se reconstruire dans la dignité.
Lire notre prise de position sur les réfugiés provenant de Syrie ici.