Pour un accès égal aux droits, il faut réduire la fracture numérique !

Ces dernières années, dans la région MENA, le déploiement du haut débit, le recours à la téléphonie mobile et les abonnements à l’internet à domicile ont connu une forte augmentation. Cependant, l’inclusion numérique est un phénomène rare et les disparités sont importantedans la région. Cest particulièrement vrai pour les personnes moins éduquées et les personnes âgées, ainsi que pour les femmes, qui ont 9% de chances en moins que les hommes de posséder un téléphone portable et 21% de chances en moins d’utiliser l’internet mobile. Dans l’UE, alors que 75% de tous les citoyen.ne.s sont des utilisateurs.trices régulier.ère.s de l’internet et que la couverture internet a atteint 85%, il existe encore des écarts. Une personne handicapée sur trois n’a pas accès à internet, ni la possibilité de l’utiliserLa crise du COVID-19 a mis en évidence cette fracture numérique de manière éclatante. 

Pendant le confinement dû au COVID-19, les personnes défavorisées sur le plan numérique ont vu leur accès à de nombreux services et dispositifs d’emploi (tels que le travail à distance) encore davantage restreint. Pour de nombreux ouvriers et personnels peu qualifiées, le travail à distance n’est pas une option, ce qui contribué à les exposer davantage au virus. De même, de nombreuses personnes qui dépendent des services et prestations publics n’ont pas pu y accéder en raison d’un manque de compétences informatiques ou d’accès à la technologie. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme a récemment étudié les implications de l’émergence d’un « État-providence numérique » dans de nombreux pays (principalement occidentaux), qui entraîne de nombreux ménages vivant sous le seuil de pauvreté encore plus en marge de la société. 

Les femmes sont particulièrement vulnérables face à la fracture numérique, et il existe de multiples obstacles à leur accès à l’internet. Les Nations Unies ont souligné que la discrimination fondée sur les normes sociales et culturelles est l’une des principales causes de la fracture numérique entre les femmes et les hommes. Parmi les autres obstacles, citons les questions d’accessibilité financière, l’impossibilité de prendre des décisions financières au sein du ménage ou le manque de compétences et de confiance en soi en matière d’outils numériques, ce qui entraîne une incapacité à utiliser ces outils de base et à accéder à l’information en ligne. Sans cet accès, les femmes sont moins bien équipées pour participer à la société. En tant que telle, la fracture numérique entre les femmes et les hommes est à la fois un symptôme et une cause des violations des droits des femmes.  

Avec les mesures prises dans le cadre du COVID-19 rendant les rassemblements physiques presque impossibles, l’organisation collective, la participation aux discours ou aux initiatives des citoyen.ne.s et la revendication de ses droits sont rendues plus difficiles. L’internet est devenu le seul moyen pour les citoyen.ne.s d’exercer leur droit à la participation civique et politique. La fracture numérique complique toutefois cette participation, car certains citoyen.ne.s en sont de facto exclu.e.s. En conséquence, les inégalités se creusent davantage.  

Les applications de localisation mises en place par les gouvernements pour surveiller la propagation du COVID-19 posent également de nombreusesCertain.e.s s’inquiètent des risques pour leurs données personnelles et leur vie privée. À l’inverse, le manque d’accès à la technologie par une grande partie de la population lrend incapable d’utiliser ces applications et d’en tirer profit. 

La réponse peut venir de la technologie elle-même. La lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes peut progresser grandement si les femmes et les filles sont impliquées à la fois en tant que consommatrices et créatrices de technologie. Combler le déficit de compétences en formant les femmes au leadership et à la gestion des affaires peut faciliter la création de nouvelles entreprises et ouvrir de nouvelles voies dans l’économie numérique.  

Toutefois, cela ne deviendra réalité qu’à la condition que les personnes défavorisées soient impliquées de manière significative dans la conception des réponses politiques axées sur la technologie. L’inclusion numérique exige que les personnes, notamment les groupes défavorisés, obtiennent à la fois les compétences et l’accès qui leur permettront d’utiliser les technologies de l’information et de la communication pour récolter les fruits du progrès technologique. Dans le cas contraire, les réponses technologiques à la crise du COVID-19 risquent de ne faire que renforcer les inégalités systémiques. 

Marion Sandner, Chargée de programme Droits économiques et sociaux et Roberto Frifrini, Chargé de programme Rétrécissement de l’espace de la société civile