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Position sur les réfugiés de Syrie 2014

Le contexte

On dénombre actuellement plus de 2,8 millions de réfugiés syriens du conflit en Syrie (décompte du HCR en juin 2014 : 2 867 541) – soit environ 12% de la population syrienne, auxquels s’ajoutent 6,5 millions de Syriens déplacés à l’intérieur du pays. Environ 97 % des réfugiés syriens sont localisés dans les pays voisins : 1 100 486 au Liban, 597 328 en Jordanie, 783 163 en Turquie, 225 409 en Irak et 137 788 en Égypte. Il y a 23 367 réfugiés syriens enregistrés auprès du HCR en Afrique du Nord, bien que, selon les estimations, les chiffres réels soient sans doute considérablement plus élevés. Les enfants représentent plus de la moitié des réfugiés enregistrés, les trois quarts d’entre eux vivant dans des familles ou des communautés d’accueil locales.

L’UNRWA a par ailleurs enregistré approximativement 67 000 réfugiés palestiniens venus de Syrie au Liban (53 070) et en Jordanie (13 836), et en signale 6 000 en Égypte, 1 100 en Libye, 1 000 à Gaza. 270 000 réfugiés palestiniens ont en outre été déplacés à l’intérieur de la Syrie.

Une crise humanitaire

La prolongation du conflit en Syrie a provoqué, par suite de l’exode massif de réfugiés provenant de Syrie, l’une des crises humanitaires les plus graves de l’histoire moderne. En décembre 2013, l’ONU a lancé un appel de fonds de 6,5 milliards de dollars pour financer son intervention en Syrie – c’est la somme la plus élevée jamais été appelée par l’ONU pour une urgence humanitaire. 4,2 milliards sont affectés à l’action du HCR en faveur des réfugiés provenant de Syrie[1] présents dans la région. A ce jour, le HCR n’a réussi à collecter que 27% du montant de l’appel. Les pourvoyeurs d’aide peinent à subvenir aux besoins en matière d’eau potable, d’abris, de soins médicaux ou de scolarisation, et l’importance de ce flux a été une source d’instabilité dans les pays voisins. L’effondrement des systèmes de santé syriens a provoqué une recrudescence de maladies telles que l’hépatite et la typhoïde, aggravant les préoccupations des pays d’accueil.

EuroMed Droits salue les engagements de donateurs internationaux, décidés à verser la somme totale de 2,4 milliards pour soutenir l’aide humanitaire apportée aux personnes touchées par la crise syrienne, dont un engagement de l’UE à fournir 165 millions d’euros en 2014.

Cependant EuroMed Droits exhorte l’UE, ses États membres et les autres acteurs internationaux à :

  • Poursuivre l’apport d’aides financières afin d’alléger les difficultés auxquelles doivent faire face les États voisins qui accueillent la quasi-totalité des réfugiés fuyant le conflit syrien, et à soutenir la collecte des 4,2 milliards appelés par l’ONU pour venir en aide aux réfugié venant de Syrie et aux communautés d’accueil de la région. Ces apports doivent alimenter les actions humanitaires ciblant les réfugiés, mais aussi les communautés d’accueil dont les services sont extrêmement sollicités.

Accès à la protection dans l’Union Européenne

Actuellement, l’Europe accueille environ 81 000 réfugiés provenant de Syrie, dont la plupart sont arrivés dans les pays de l’UE au prix de grandes difficultés. Près de 10 000 réfugiés venant de Syrie ont rallié les côtes italiennes en traversant la Méditerranée en 2013, mais la voie maritime reste terriblement dangereuse. Rien qu’au cours du mois d’octobre 2013, près de 650 migrants et réfugiés ont perdu la vie sur trois embarcations différentes. Parallèlement à cela, des refoulements de Syriens ou d’autres réfugiés hors des frontières de l’UE ont été signalés : Amnesty International et Pro-Asyl ont  publié des rapports témoignant de refoulements systématiques – et souvent violents – à la frontière terrestre gréco-turque, les réfugiés venant de Syrie étant parmi ceux qui sont automatiquement repoussés. Le REMDH, conjointement avec Migreurop et la FIDH, a également publié un rapport à la suite d’une mission sur le terrain à la frontière gréco-turque, qui confirme ces refoulements. Un récent rapport de Human Rights Watch fait aussi état d’opérations de refoulement par les autorités bulgares à la frontière du pays avec la Turquie. Onze états européens ont dans le même temps imposé des visas de transit pour les Syriens ce qui, dans un contexte de fermeture de toutes les ambassades en Syrie, rend pratiquement nulles les possibilités offertes aux Syriens d’entrer légalement en Europe.

En outre, les États membres de l’Europe ont honteusement ignoré la demande d’accueillir davantage de réfugiés arrivant de Syrie. En juin 2014, l’engagement relatif au nombre de réinstallations ou d’admissions pour motif humanitaire s’élève à 33 972 (majoritairement issus de pays européens), et d’un chiffre indéterminé aux États-Unis. Ces chiffres, toutefois, représentent à peine 1% du nombre total de réfugiés venus de Syrie. L’Allemagne se place en première ligne en Europe, augmentant dernièrement ses quotas à 20 000 admissions humanitaires et à 5 500 parrainages individuels, suivie par l’Autriche et la Suède, offrant respectivement 1 500 et 1 200 places de réinstallation. Des pays tels que le Royaume-Uni et la France, en dépit de leurs moyens, ont limité leur engagement respectif à 500 personnes (le Royaume-Uni a mis en place un programme de réinstallation parallèle à celui du HCR, dans le cadre duquel, cependant, que 24 réfugiés ont été réinstallé à ce jour).

Le HCR a demandé aux différents pays d’accepter 30 000 réfugiés venant de Syrie d’ici fin 2014, dans le cadre de dispositifs de réinstallation, d’admission pour motif humanitaire ou de tout autre programme, en veillant particulièrement à la protection des plus vulnérables. Le chiffre de 3 000 reste minime par rapport au nombre de personnes accueillies dans les pays voisins de la Syrie, tels que le Liban et la Jordanie. C’est pourquoi, face à la détérioration de la situation dans la région et à la pression exercée sur les pays voisins, le HCR a également demandé aux États des engagements pluriannuels, de façon à assurer la réinstallation ou l’admission pour motif humanitaire de 100 000 réfugiés provenant de Syrie, en 2015 et en 2016. Mais ces dispositions devraient s’ajouter aux quotas de réinstallation actuels et ne pas s’opérer au détriment de l’accueil de réfugiés provenant d’autres régions du monde. En France, le ministère de l’Intérieur a reconnu qu’une partie des 500 syriens venus de Syrie que le pays s’est engagé à recevoir sera accueillie via le programme annuel de réinstallation préexistant, comme c’est également le cas pour les réinstallations de Syriens en Irlande  – ce qui, dans les faits, réduit les possibilités de réinstallation pour les autres catégories de réfugiés vulnérables.

L’UE et les États membres doivent faciliter les voies légales d’accès à leur territoire pour les réfugiés arrivant de Syrie. Cela doit permettre de garantir aux réfugiés la protection à laquelle ils ont droit, tout en évitant de nouveaux décès au cours d’itinéraires terrestres ou maritimes irréguliers et dangereux. Face à l’augmentation de la discrimination et de l’hostilité pesant sur les réfugiés provenant de Syrie dans la plupart des pays d’accueil, la difficulté d’accès à l’UE s’impose comme une préoccupation prioritaire.

EuroMed Droits exhorte l’UE et ses États membres à :

  1. Augmenter de manière importante le nombre d’admissions pour motif humanitaire ou de réinstallations pour les réfugiés provenant de Syrie. L’aide financière et humanitaire apportée aux principaux pays hôtes du Moyen-Orient à destination des réfugiés ne doit pas se substituer à l’aide qu’il est nécessaire d’apporter aux personnes qui subissent le conflit en Syrie.
  2. Faciliter les procédures de regroupement familial pour les réfugiés venant de Syrie ayant de la famille déjà établie en Europe.
  3. Faciliter les procédures d’octroi de visa pour les réfugiés venant de Syrie leur permettant de rejoindre le pays de délivrance du visa et de demander l’asile à leur arrivée.
  4. Elargir les parcours alternatifs d’accès en Europe, par exemple en incrémentant les financements des programmes universitaires et des autres initiatives ciblant les réfugiés provenant de Syrie.
  5. Mettre fin aux refoulements de réfugiés arrivant sur le territoire de l’UE par la terre ou par la mer, considérant que cela constitue une violation du droit international et des obligations des États membres conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.
  6. Concrétiser dans les meilleurs délais les engagements pris par rapport à la réinstallation des réfugiés provenant de Syrie et s’assurer que ces réinstallations ne s’inscrivent pas dans les quotas de réinstallation nationaux préexistants, mais au contraire qu’ils s’y ajoutent.

Responsabilité partagée au sein de l’UE

Les conditions d’accueil des réfugiés syriens ayant atteint l’Europe varient considérablement d’un pays à l’autre. En septembre 2013, la Suède a été la première à annoncer l’attribution du statut de résident permanent aux réfugiés syriens arrivés sur son territoire, assorti du droit au regroupement familial. Le Royaume-Uni et le Danemark ont accordé l’asile à la majorité des réfugiés venus de Syrie qui en ont fait la demande, tandis que d’autres pays, tels que l’Allemagne et la Croatie, ont établi une protection subsidiaire pour les réfugiés syriens présents sur leurs territoires.

A l’inverse, toutefois, d’autres pays européens ont une approche beaucoup plus problématique vis-à-vis de la gestion des flux de réfugiés arrivés de Syrie. En Bulgarie, des entrées irrégulières ont fait l’objet de poursuites, en dépit de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, qui réaffirme qu’aucun réfugié ne doit faire l’objet de poursuites pénales pour être entré irrégulièrement sur un territoire. En Grèce, suite à l’effondrement du système d’asile, en 2012, aucune décision positive n’avait été octroyée : sur les 275 demandes déposées, 150 avait été rejetées, tandis que les autres n’ont été finalement traitées qu’après la réforme du système d’asile, en juin 2013. Par ailleurs, plusieurs ONG travaillant en Grèce, en Bulgarie ou à Chypre ont dénoncé la détention systématique des demandeurs d’asile dans des conditions inhumaines, et les graves conséquences que cela peut avoir sur leur santé physique et mentale. Ces violations des droits de l’Homme sont l’une des causes qui découragent ceux qui atteignent les pays situées à l’est de l’Europe de demander asile, par peur d’être refoulés ou maintenus en détention pendant la procédure d’évaluation de leur dossier. Bien que Dublin III ait ajouté des garanties supplémentaires pour les demandeurs d’asile (dont le droit de faire appel) ainsi que l’interdiction de transférer un demandeur d’asile vers des pays où les dispositifs d’asile se sont effondrés (comme c’est le cas en Grèce), l’inégal respect du droit d’asile entre les différents pays rend très aléatoire la protection des personnes fuyant la guerre en Syrie, selon le pays qu’ils atteignent en premier.

Le droit communautaire prévoit qu’en cas d’afflux massif, on puisse attribuer, avec l’accord des ministres de l’UE, un statut de protection temporaire aux réfugiés arrivant d’une zone en guerre. Cela garantit aux réfugiés un permis de séjour, un permis de travail, l’accès au logement, aux soins médicaux et à la scolarisation pour les mineurs de moins de 18 ans (avec le même traitement qu’un national). A ce jour, l’UE n’a jamais utilisé ce dispositif ; pourtant, il diminuerait considérablement les difficultés urgentes reposant actuellement sur les États qui gèrent les flux les plus importants, tout en garantissant que les réfugiés provenant de Syrie ne soient pas placés en détention ou en centres « d’accueil »  – ce qui est à l’heure actuelle une pratique courante dans plusieurs pays méditerranéens. Toutefois, la protection temporaire ne devrait pas empêcher l’individu de poser une demande d’asile, et ne devrait en aucune manière avoir un impact négatif sur la procédure d’asile des réfugiés à titre individuel.

EuroMed Droits exhorte l’UE et ses États membres à :

  • Évaluer rapidement les demandes d’asile pour tous les réfugiés fuyant la Syrie; compte tenu de la pression sur les systèmes d’asile de certains pays, envisager la mise en œuvre de la directive européenne de protection temporaire, pour permettre aux réfugiés provenant de Syrie de bénéficier de cette protection temporaire et des droits qui lui sont associés (permis de séjour, permis de travail, accès au logement, aux soins médicaux et à l’éducation pour les moins de 18 ans, dans les mêmes conditions que les nationaux) pendant que leur demande d’asile est en cours d’évaluation; cette protection temporaire ne doit en aucune manière affecter la procédure d’asile et devrait être considérée comme un statut à part.
  • Ne pas appliquer le règlement Dublin III lorsque le premier pays d’entrée éprouve déjà des  difficultés à accueillir les réfugiés venant de Syrie et ne peut leur offrir les garanties élémentaires de protection et d’hébergement.
  • S’assurer que les droits des réfugiés provenant de Syrie seront respectés, quel que soit le premier pays d’entrée dans l’UE.
  • Encourager et mettre en œuvre des programmes de transfert pour les réfugiés provenant de Syrie qui résident actuellement dans les pays de l’UE déclarés incapables de faire face au nombre de réfugiés présents sur leurs territoires, pour leur permettre d’être transférés dans un autre État de l’UE.
  • Donner la possibilité aux réfugiés venant de Syrie de rejoindre des membres de leur famille déjà présents dans un autre pays européen, en particulier si leur famille est prête à les soutenir.

Problèmes de protection dans les pays voisins

La protection des réfugiés provenant de Syrie est menacée de plusieurs façons dans la région. Face à l’ampleur des flux migratoires, la Jordanie, la Turquie et le Liban ont tenté d’endiguer le nombre de réfugiés franchissant leurs frontières – alors même qu’elles ne sont pas officiellement fermées. Dans la mesure où ces pays limitent le nombre de traversées quotidiennes, de nombreux réfugiés restent bloqués durant des jours avant de pouvoir entrer et bénéficier d’une protection. Plusieurs rapports font état de groupes d’hommes seuls – le plus souvent des Palestiniens et des Irakiens – auxquels on refuse la possibilité d’entrer en Jordanie pour accéder à une protection.

La Turquie et la Jordanie ont mis en place des camps de grande ampleur pour accueillir une partie des réfugiés provenant de Syrie. Cependant la majorité des réfugiés dans la région vivent en dehors des camps dans des zones urbaines et dans des conditions d’extrême vulnérabilité. En raison du manque d’opportunités économiques, le nombre de Syriens forcés de mendier dans les rues a notablement augmenté, ainsi que la peur parmi les communautés d’accueil concernant l’augmentation des taux de criminalité. Le Liban a été le pays le plus durement touché par le conflit syrien, et il s’épuise à faire face à l’afflux massif de réfugiés syriens, qui constituent aujourd’hui plus de 22% de sa population. Cet afflux a constitué un défi majeur concernant le logement, les services de santé et les écoles du pays, et il a exacerbé les tensions avec les communautés d’accueil. Des villes libanaises de plus en plus nombreuses ont imposé un couvre-feu aux réfugiés venus de Syrie pour des raisons de « sécurité », tandis qu’une municipalité révoque les documents d’identité des réfugiés à moins qu’ils ne paient une taxe de 100 USD.

En Égypte, des conditions d’entrée pour les Syriens (obtention d’un visa et d’un certificat de sécurité avant le départ) ont été introduites en juillet 2013, suite à la hausse d’un sentiment de rejet des Syriens après la destitution du Président Morsi. On a noté un nombre record de conduites abusives, d’arrestations arbitraires, de détentions et d’expulsions de réfugiés venant de Syrie en août et septembre 2013 ; ceux qui tentent de quitter le pays par bateau continuent d’être arrêtes et détenus, et certains d’entre eux reçoivent encore des ordres d’expulsion (vers des pays non spécifiés).

Même si en Afrique du Nord les réfugiés syriens sont « tolérés », ils vivent dans des conditions très précaires. De plus, l’accès à ces pays devient de jour en jour plus limité. La Libye, qui n’impose pas de visa pour l’entrée sur son territoire, a fermé dans le même temps sa frontière avec l’Égypte à tous les citoyens non libyens ; l’Algérie a pris explicitement des mesures pour limiter l’arrivée des Syriens, notamment une diminution des vols prévus entre les deux pays et une nouvelle disposition prévoyant que les Syriens ne peuvent entrer dans le pays que s’ils présentent un certificat d’hébergement ; pendant ce temps, les citoyens syriens sont tenus d’avoir un visa pour entrer au Maroc, ce qui signifie que les personnes qui sont entrées illégalement – et qui constituent la vaste majorité – n’ont pas de statut juridique. Les Syriens se sont également retrouvés en plusieurs occasions au centre d’une bataille juridique entre le Maroc et l’Algérie. Récemment, deux familles syriennes, y compris quatre enfants, se sont trouvées prises au piège pendant plus que trois semaines, sans abri, sans nourriture et sans assistance médicale, dans le no man’s land entre la frontière marocaine et la frontière algérienne, les deux pays refusant de les laisser entrer. La précarité des réfugiés syriens est aggravée par le fait qu’une petite partie d’entre eux seulement est enregistrée auprès du HCR.

Les femmes et les jeunes filles représentent un groupe extrêmement vulnérable parmi les réfugiés syriens présents dans la région. Il a été relevé une augmentation de mariages entre des filles de moins de 16 ans (certaines épouses n’ayant que 9 ans), avec des hommes considérablement plus âgés. Cette pratique est aggravée par les conditions désespérées des familles : le mariage précoce est vu comme une façon de préserver l’honneur des filles et de les protéger des violences sexuelles, en diminuant dans le même temps le fardeau économique qui pèse sur la famille. Cependant, ces jeunes filles risquent en réalité l’exploitation sexuelle et l’abandon par l’homme auxquels elles ont été mariées, sans pouvoir compter sur le soutien nécessaire de leur famille.

En dehors des problèmes de protection concernant les réfugiés syriens en général, les réfugiés palestiniens qui fuient la Syrie sont particulièrement vulnérables (on estime à 80 000 le nombre de ceux qui ont gagné le Liban). Les réfugiés palestiniens relèvent du mandat de l’UNWRA dans les pays où l’Agence est opérationnelle (les pays “hôtes”) – la Jordanie, le Liban et la Syrie, de même que la Cisjordanie et la bande de Gaza. L’Agence, qui s’efforce déjà de fournir des services à une population palestinienne installée de longue date au Liban, fait de son mieux pour répondre aux besoins d’aide considérables des réfugiés palestiniens, aussi bien à l’intérieur de la Syrie (540 000) qu’à l’extérieur.  Les réfugiés palestiniens qui se trouvent en dehors de ces pays relèvent officiellement de la juridiction du HCR, en vertu de l’article 1D de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Toutefois, dans certains pays de la région, notamment en Egypte, les Palestiniens ont toujours été soumis au bon vouloir du ministère des Affaires étrangères, et le gouvernement s’est opposé à l’intervention du HCR auprès de la communauté palestinienne.

Dans le contexte de la crise syrienne, les réfugiés palestiniens se retrouvent dans une impasse : d’après les rapports de HRW et d’autres sources, la Jordanie refoule les réfugiés à la frontière, et les Palestiniens se voient généralement refuser l’entrée en Egypte. Depuis le début du mois d’août, le Liban a refusé l’entrée à des groupes de Palestiniens, et a également tenté d’expulser quelques-uns d’entre eux vers la Syrie.

EuroMed Droits exhorte les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à :

  • Maintenir l’ouverture de leurs frontières, à faciliter l’octroi des visas et à supprimer d’autres obstacles qui empêchent ou limitent l’accès au territoire pour les réfugiés fuyant le conflit en Syrie.
  • S’abstenir de détenir de manière arbitraire et d’expulser les réfugiés provenant de Syrie, y compris à la suite de tentatives de sortie irrégulière du territoire.
  • Reconnaître et appliquer pleinement l’Article 1D de la Convention de Genève de 1951, qui stipule que les Palestiniens réfugiés dans des pays qui ne sont pas des pays hôtes aux termes de l’UNRWA relèvent du mandat du HCR.
  • Collaborer étroitement avec le HCR et d’autres organisations internationales afin de renforcer la protection et les conditions de vie des réfugiés provenant de Syrie sur leur territoire.

A la lumière des difficultés rencontrées par les réfugiés syriens dans les pays voisins de la région mais aussi des questions financières et démographiques pesant sur les communautés d’accueil, le REMDH demande instamment à l’UE :

  • D’imposer un moratoire sur tous les retours de réfugiés provenant de Syrie présents dans la région.
  • D’insister sur le besoin de garantir aux réfugiés palestiniens de Syrie les mêmes droits qu’aux réfugiés Syriens non palestiniens et de respecter leurs droits en vertu de l’article 1D.
  • D’exiger des États membres la mise en œuvre sur leurs territoires des précédentes recommandations concernant le traitement des réfugiés provenant de Syrie.

Réfugiés « oubliés »

Alors que l’Union Européenne et les autres membres de la communauté internationale doivent assumer leurs responsabilités face aux 2,8 millions de réfugiés déplacés par le conflit syrien – en plus de ceux, encore plus nombreux, qui ont été déplacés à l’intérieur même de leur pays – il est essentiel de s’assurer que les autres populations réfugiées présentes dans la région ne sont pas oubliées.

Plus d’un demi-million de demandeurs d’asile sont enregistrés auprès du HCR dans la région, bien que les estimations des ONG fassent état d’un nombre supérieur. Parmi eux se trouvent des réfugiés irakiens, afghans, érythréens, somaliens, soudanais et maliens, entre autres. Ces populations n’ont souvent pas de droits, ou si peu, en ce qui concerne l’accès au marché du travail, à l’éducation ou aux soins de santé gratuits. Leur statut juridique précaire est un facteur d’exploitation dans le secteur non officiel, et ils sont très souvent victimes de racisme et de discrimination de la part des communautés hôtes. Les réfugiés de la région reçoivent peu d’aide financier, voire pas du tout, du HCR ou d’autres acteurs, et les possibilités de réinstallation sont extrêmement limitées. La réinstallation n’est une option que pour 10% des réfugiés dans le monde et, lorsqu’on se place au niveau de certains Etats, le pourcentage est encore plus faible : seuls 1% des réfugiés en Egypte peuvent espérer être réinstallés. Dans ce contexte d’absence de solutions durables pour de nombreux réfugiés de la région, il est essentiel que les donateurs et les gouvernements maintiennent leurs engagements auprès de ces communautés. La possibilité d’être réinstallées à l’étranger doit être maintenue pour les personnes les plus vulnérables.

[1] Dans ce document « réfugiés provenant de Syrie » fait référence à tout réfugié fuyant le conflit indépendamment de sa nationalité ou citoyenneté.