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Position du REMDH sur le conflit à Gaza

Après le cessez-le-feu entre Israël et les groupes armés palestiniens l’UE doit prendre des mesures fermes pour s’assurer que les parties prennent leurs responsabilités et que le bouclage illégal de Gaza soit levé, afin d’éviter de nouvelles scènes de violence.

Le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH) salue le cessez-le-feu conclu entre Israël et les groupes armés palestiniens le 21 novembre 2012 et exhorte toutes les parties à le respecter. Le REMDH s’inquiète du grand nombre de victimes civiles et de la destruction de biens civils au cours des hostilités et condamne les violations présumées du droit international. Le REMDH déplore que l’UE garde sous silence les graves soupçons de violations du droit international par Israël. Le REMDH exhorte l’UE et la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les violations présumées du droit international par toutes les parties fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites le cas échéant. Il réclame en outre que les obligations relatives au respect du droit humanitaire international (DHI) et des droits de l’Homme soient pleinement respectées, y compris la levée du bouclage illégal de la bande de Gaza.

Le 14 novembre, Israël a lancé une campagne militaire, dont le nom de code était « Pilier de défense ». Cette campagne s’est traduite par plus de 1500 bombardements aériens, marins et terrestres sur la bande de Gaza à l’aide de missiles et d’artillerie. Dans le même temps, les groupes armés palestiniens de la bande de Gaza ont lancé plus de 1500 roquettes et missiles sur Israël.

Selon les informations dont disposent les organisations israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l’Homme qui observent la situation dans la bande de Gaza, de graves soupçons planent sur Israël quant à des violations du DHI. Ces violations présumées comprennent le ciblage direct de civils et de biens civils (dont des maisons, des bureaux de presse et des véhicules), des attaques disproportionnées et aveugles, ainsi que le non-respect des précautions nécessaires lors des attaques et du choix des méthodes et des moyens de guerre.[1]

Selon les données rassemblées par les ONG palestiniennes de défense des droits de l’Homme, du 8 novembre au cessez-le-feu du 21 novembre 2012, au moins 156 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza. Au moins 103 d’entre eux étaient des civils, dont 33 enfants, 13 femmes et trois journalistes. Au moins 1000 autres Palestiniens ont été blessés, dont au moins 971 civils, parmi lesquels on compte 274 enfants, 172 femmes et 12 journalistes. Le 20 novembre, Israël a largué des tracts exhortant des centaines de civils à évacuer leur foyer. Il n’existe toutefois aucun lieu sûr dans la bande de Gaza : aucun abri n’est disponible pour que les civils puissent bénéficier d’une protection contre les bombardements jour et nuit. Au moins 865 maisons ont également été endommagées ou détruites, dont 92 détruites totalement et 44 attaquées directement. Sur ces 44 maisons, 33 ont été délibérément ciblées par des attaques de l’armée israélienne à l’aide de la technique du « roof-knocking », c’est-à-dire « frapper au toit ».

Cent-soixante-dix-neuf autres maisons ont subi de graves dommages. Les attaques de l’armée israélienne ont par ailleurs causé des dégâts à six centres de soin, 30 écoles, deux universités, 15 bureaux d’ONG, 27 mosquées, 14 bureaux de presse, 11 usines industrielles, 81 magasins, un centre de distribution de nourriture de l’UNRWA, sept bureaux ministériels, 14 postes de police/sécurité, cinq banques, 30 véhicules et deux clubs de jeunesse.

Les roquettes lancées par les groupes armés palestiniens sur Israël, dont la majorité aurait directement visé des civils en violation du DHI, ont tué cinq Israéliens, dont un soldat, et blessé 222 Israéliens, dont 21 soldats, selon les données du ministère israélien des affaires étrangères. Le REMDH s’inquiète également de l’attaque à la bombe sur un bus civil à Tel-Aviv hier.

Dans tous les cas, l’obligation inhérente au DHI d’éviter de blesser la population et d’endommager les infrastructures civiles prévaut et doit être strictement respectée. La distinction entre les cibles civiles et militaires doit être faite et toutes les précautions possibles pour épargner les civils et les biens civils doivent être prises. Les attaques doivent être conformes aux principes de la nécessité militaire et de la proportionnalité. En cas de violation du droit international, les soupçons de crime de guerre doivent faire l’objet d’une enquête et le cas échéant, être sanctionnées.

Le REMDH note que l’obligation de se conformer aux règles du droit international doit être respectée, et ce peu importe la conduite de l’autre partie en situation de conflit, y compris en cas d’occupation. Les obligations relatives aux droits de l’Homme s’appliquent et doivent être respectées, même en période de conflit.

Le REMDH souligne que les violations d’Israël dans la bande de Gaza sont rendues possibles par la culture généralisée de l’impunité en Israël et sur le territoire palestinien occupé (TPO), générée par l’échec d’Israël à demander des comptes à ceux qui ont ordonné et/ou commis des violations du droit international. La communauté internationale, y compris l’UE, n’a pas non plus tenu Israël pour responsable de ces violations.

Cette attitude s’est notamment reflétée dans le manque de soutien de la part des États membres en faveur de la mise en oeuvre des recommandations du rapport de la mission d’établissement des faits de l’ONU sur le conflit à Gaza en 2008-2009. Le manque d’enquêtes impartiales et efficaces sur les crimes passés fait craindre que les victimes de crimes lors du conflit actuel ne puissent pas demander justice et réparation. Il est crucial que la communauté internationale s’assure que des responsabilités sont prises dans le contexte actuel, afin d’éviter d’autres tragédies.

Le REMDH s’inquiète quant aux déclarations de l’UE relatives à la situation à Gaza. Alors que l’UE condamne fermement le lancement de roquettes, elle a invoqué le droit d’Israël à protéger sa population, sans toutefois condamner les violations présumées du droit international par Israël. Cette réaction peut être comprise comme une justification des attaques perpétrées par Israël. Le REMDH souligne que l’invocation de la légitime défense conformément à l’article 51 de la Charte de l’ONU est juridiquement indéfendable, dans la mesure où elle ne prend pas en compte le conflit armé international au sens large dans le cadre duquel cette escalade prend place.

L’UE ne réclame en outre aucune enquête indépendante sur les violations présumées commises au cours des hostilités. Le silence de la communauté internationale a permis et permettra, voire encouragera, d’autres attaques visant des civils et des infrastructures civiles. De manière générale, le REMDH rappelle sa position ferme, à savoir que la décision de l’UE de continuer à renforcer ses relations techniques et commerciales avec Israël dans le cadre de l’actuel plan d’action relatif à la politique européenne de voisinage a encouragé Israël à poursuivre ses violations des droits des Palestiniens dans les TPO.

Le REMDH rappelle en outre que l’escalade de la violence actuelle se déroule dans le contexte de l’occupation du territoire palestinien et du bouclage illégal de la bande de Gaza par Israël qui dure depuis plus de cinq ans. Au cours cette opération, la situation humanitaire désastreuse à Gaza n’a fait que se détériorer.

Afin d’éviter de nouveaux actes de violence et le meurtre de civils innocents, conformément aux obligations des États membres de l’UE reprises sous l’article 1 commun aux Conventions de Genève de « faire respecter » la Convention, le REMDH exhorte l’UE et ses membres à :

–       prendre toutes les mesures à leur disposition pour s’assurer que toutes les parties respectent le cessez-le-feu et leurs obligations conformément aux DHI et aux droits de l’Homme ;

–       condamner les violations présumées du DHI commises et s’assurer que des enquêtes conformes aux normes internationales soient menées immédiatement sur les violations présumées du DHI, et que ceux qui ont ordonné ou commis ces infractions soient poursuivis. Si ces enquêtes ne sont pas menées rapidement, l’UE se doit de soutenir d’autres actions par le biais des mécanismes de justice internationaux;

–       appeler Israël à lever immédiatement et sans condition le bouclage illégal de la bande de Gaza, qui constitue une punition collective, et à permettre la libre circulation des marchandises et de la population de et vers Gaza ;

mettre en suspens la négociation de tout nouvel accord technique ou commercial avec Israël, même s’il est basé sur le plan d’action actuel, jusqu’à ce qu’Israël se conforme à ses obligations relatives au DHI et aux droits de l’Homme.

[1] Pour plus d’informations sur les cas individuels, veuillez vous référer aux sites Internet d’Al Haq (http://www.alhaq.org/), de l’Al Mezan Center for Human Rights (http://www.mezan.org/en/), de B’Tselem (http://www.btselem.org/) et du Palestinian Center for Human Rights (PCHR) (http://www.pchrgaza.org/portal/en/). Veuillez noter qu’Adalah, l’Al Mezan Center for Human Rights and le PCHR ont exigé dans une lettre envoyée à l’Avocat général des armées et au procureur général israéliens qu’une enquête pénale soit ouverte sur les soupçons de crimes de guerre commis par l’armée israélienne à la suite du meurtre de 10 civils palestiniens, dont 8 membres de la famille Al-Dalu le 18 novembre 2012 à Gaza. Pour plus d’informations, voir : http://adalah.org/eng/?mod=articles&ID=1869.