Bruxelles, 18 novembre 2015
EuroMed Droits regrette profondément que la nouvelle Politique européenne de voisinage (PEV) présentée aujourd’hui par l’Union européenne (UE) mette complètement à la marge le respect des droits humains et le Droit international humanitaire. C’est un pas en arrière pour l’UE, qui n’a pas saisi l’opportunité de promouvoir les réformes démocratiques au cœur de la politique européenne de voisinage.
« Malgré les déclarations ce midi de Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à savoir qu’il n’y a pas de sécurité sans renforcement des droits humains, l’Union européenne et ses Etats membres ont raté une occasion de marquer très distinctement la promotion des droits humains et la protection de la société civile indépendante comme un objectif primordial pour assurer une bonne gouvernance et la primauté de l’Etat de Droit» déclare Michel Tubiana, Président d’EuroMed Droits.
EuroMed Droits appelle l’UE et ses Etats membres à intensifier leur soutien aux organisations de la société civile indépendante dans les pays du Sud de la Méditerranée. La société civile est en effet un acteur-clé du processus de paix et pour l’établissement d’institutions stables. Malheureusement, dans la présente communication, bien que la société civile soit désignée comme un interlocuteur privilégié de l’UE, sa contribution dans les domaines clés qui préoccupent l’UE est marginalisée.
Alors que l‘espace des défenseurs des droits humains se rétrécit sans cesse dans la région, l’UE se doit de protéger ces agents du changement social et de s’assurer qu’ils bénéficient de son soutien politique et de moyens suffisant, notamment en les associant systématiquement aux dialogues et aux partenariats de l’UE avec les pays tiers.
EuroMed Droits déplore également le fait que l’UE fasse le suivi de l’état des libertés fondamentales, de l’égalité des genres et du droit des femmes et des autres questions liées aux droits humains désormais uniquement au sein d’un rapport régional, plutôt que dans les rapports spécifiques à chacun des pays partenaires, rapports qui pourraient d’ailleurs ne plus être accessibles au public. EuroMed Droits rappelle qu’en vertu des principes fondamentaux de transparence et d’autonomisation de la société civile, l’UE devrait garder ces rapports publics.
Au moment où l’UE et ses partenaires méditerranéens sont confrontés à la plus grave crise humanitaire dans la région depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des centaines de milliers de réfugiés en déplacement, et à des actes de terrorisme sans précédent, le radar de l’UE semble pointer principalement sur des mesures de sécurisation à court terme et sur le contrôle des flux migratoires. « Si le droit à la sécurité est un droit fondamental pour toutes les personnes des deux rives de la Méditerranée, l’approche de la Politique européenne de voisinage basée sur la stabilité ne doit pas conduire au financement et à la mise en œuvre d’activités susceptibles de causer de nouvelles violations des droits des citoyens et des migrants », prévient Michel Tubiana.
Il est grand temps que l’Union européenne développe une stratégie des droits humains pour l’ensemble de la région et qu’elle apporte une nouvelle vision de la PEV qui inspire les citoyens des deux côtés de la Méditerranée pour la prochaine décennie. La marginalisation des droits humains dans la nouvelle PEV contredit non seulement les valeurs fondamentales de l’UE, mais elle est aussi susceptible de conduire l’UE à répéter les erreurs du passé dans la région, au dépend même de ses propres intérêts.