Maroc : un état d’urgence sanitaire pour masquer les droits humains ?

Le 20 mars dernier, le Maroc a adopté « l’état d’urgence sanitaire » afin de lutter contre la pandémie de COVID-19. Cet état d’urgence a notamment permis d’avaliser la mise en place du confinement, la fermeture des écoles et universités ainsi que la mise à l’arrêt des systèmes de transport. L’une des décisions prises semble difficilement liée à la pandémie qui menace actuellement le royaume. Le projet de loi 22-20 vise en effet à contrôler davantage l’utilisation des réseaux sociaux et des réseaux de diffusion. Ce projet, dont plusieurs clauses ont fuité sur internet, pose question tant sur le fond que sur la forme.

Sur le fond tout d’abord, le projet interdirait par exemple le recours aux réseaux sociaux pour un appel au boycott. Des amendes allant jusqu’à 4.500 euros et des peines de prison de six mois à trois ans attendent les contrevenants. Le projet prévoit également d’interdire la diffusion de fausses informations qui pourraient faire douter de la qualité ou de la sécurité d’un produit. Si cette mesure a pour objectif revendiqué de lutter contre les « fake news », elle a pour conséquence de limiter la liberté d’expression de manière inquiétante.

Sur la forme ensuite, le projet de loi s’est surtout illustré par ses irrégularités. Le texte n’a pas été publié sur le site du Secrétariat général du gouvernement pour débat, ce qui est la norme habituellement. Par ailleurs, le Conseil national des droits de l’Homme et la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel, dont c’est pourtant le mandat, n’ont pas non plus été impliqués. Plusieurs associations de la société civile se sont émues publiquement des objectifs cachés que pourrait receler un tel passage en force. De nombreux.ses internautes s’interrogent sur l’utilité de faire passer ce texte alors qu’il n’est en rien relié à la lutte contre la pandémie. D’autant plus que ce projet intervient dans un contexte où la liberté d’expression est mise à mal, comme le prouvent les récents procès à l’encontre du journaliste Omar Radi et du militant Omar Naji, visés pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression.

La dénonciation publique de ce projet de loi et la mobilisation massive à son encontre ont entraîné la tenue de discussions houleuses au sein des partis gouvernementaux. Les ministres de la justice et des droits de l’Homme ont depuis suspendu le projet, en annonçant que celui-ci serait débattu après la fin de l’état d’urgence sanitaire.