Au Maroc, comme dans d’autres pays, la question de la démocratisation de la santé est exacerbée par la pandémie. Au-delà des questions médicales, la lutte contre le coronavirus est également une question juridique. Alors que, dans le monde entier, les personnels soignants se trouvent en première ligne, laboratoires pharmaceutiques et centres de recherche travaillent à la création d’un traitement contre le COVID-19, dont la mise en place requiert des techniques de production – souvent brevetées – ainsi que l’obtention d’autorisations administratives, lentes et complexes, pour procéder à sa diffusion.
Un collectif d’associations de la société civile marocaine, dont les membres marocains d’EuroMed Droits, va prochainement rencontrer le Président du Parlement marocain pour lui remettre un mémorandum demandant d’accélérer la levée des barrières juridiques qui risquent de freiner la diffusion d’un futur traitement au plus grand nombre. Parmi ces mesures, les associations ciblent notamment l’octroi des « licences d’office » qui autorisent la mise sur le marché d’un médicament. Actuellement, l’octroi de ces licences est un processus lent et administrativement complexe. Un amendement à la loi actuelle visant à autoriser le ministère de la santé à décider de cet octroi, après validation de l’efficacité du traitement et de l’absence d’effets secondaires, permettrait d’en accélérer le déploiement.
Devant la gravité de la pandémie et son caractère universel, le mémorandum demande également de réviser les critères d’attribution des brevets et autres instruments liés à la propriété intellectuelle. Si ces derniers encouragent l’investissement privé contre la maladie, ils entraînent souvent une hausse des tarifs voire une situation de monopole. A terme, ils peuvent empêcher la création de médicaments génériques, plus abordables pour les citoyen.ne.s les plus démuni.e.s, et grèvent les finances de l’Etat.
Les associations demandent donc la mise en place d’un comité national pluridisciplinaire, composé de représentant.e.s du domaine de la santé mais également des affaires économiques, de fonctionnaires et de membres de la société civile, pour effectuer une veille sur les brevets ou autres instruments de propriété intellectuelle qui pourraient empêcher un accès équitable de tou.te.s les Marocain.e.s à un futur traitement contre le COVID-19. Ce comité pourrait ainsi surveiller que des molécules tombées dans le domaine public ne soient à nouveau brevetées suite à la découverte d’un nouvel usage commercial.
Un tel comité pourrait par la suite servir de modèle pour la mise en place de nouveaux systèmes de prise de décision dans la lutte contre d’autres problèmes de santé tels que les cancers, les maladies cardiovasculaires ou les maladies infectieuses.
Le droit à la santé est un droit humain primordial. La propagation rapide du coronavirus sur la planète a confirmé son universalité. L’accès à un futur traitement se doit donc d’être universel. Les nouveaux modèles de prise de décision proposés pour faire face à la pandémie permettront peut-être, à l’avenir, de réaliser des avancées bénéfiques en termes de santé publique pour l’ensemble des citoyen.ne.s marocain.e.s.