En 2005, dans le Plan d’action conclu d’un commun accord dans le cadre de la Politique de voisinage (PEV), l’Union européenne (UE) et Israël sont convenus d’améliorer le dialogue politique et la coopération dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’Homme. Les deux parties se sont engagées, en particulier, à « promouvoir et protéger les droits des minorités, notamment en facilitant les opportunités politiques, économiques, sociales et culturelles pour tous les citoyens et pour tous les résidents légaux ».
Cinq ans plus tard, toutefois, les violations des droits de la minorité arabe palestinienne en Israël se poursuivent, et l’on note même une nette aggravation de la situation depuis l’élection du gouvernement actuel, en février 2009. En avril 2010, l’UE notait dans son rapport de suivi sur la mise en oeuvre par Israël du plan d’action 2009 qu’on enregistrait « peu de progrès dans la situation de la minorité arabe ». Malgré ce constat, la politique de l’UE concernant les droits de la minorité arabe en Israël est restée faible. Le Réseau euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH) et son Groupe de travail sur la Palestine, Israël et les Palestiniens (PIP) ont décidé d’analyser plus en détail les politiques de l’UE envers la minorité arabe palestinienne en Israël, et de tenter de contribuer à leur renforcement.
La marginalisation traditionnelle de la minorité arabe palestinienne en Israël ou, plus largement, la question des « arabes de 1948 » et des droits de l’Homme dans le Processus de paix au Moyen-Orient (PPMO), indique que, lorsque l’UE s’est intéressée à ce groupe de population, elle ’a d’abord fait dans l’optique de son objectif déclaré – promouvoir les droits de l’Homme et la démocratie dans le monde (Article 21 du Traité sur l’Union européenne).
En résultat, l’attention portée à cette minorité a été occultée par le conflit régional et par ce que les acteurs de l’UE considèrent comme des violations « plus graves » des droits de l’Homme, à savoir celles qui sont perpétrées dans les Territoires palestiniens occupés (TPO), comprenant la Cisjordanie, Jérusalem Est et la bande de Gaza. L’ambition de l’UE de jouer un rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien n’a fait qu’aggraver sa propension à minimiser les violations qui touchent la minorité arabe palestinienne, de façon à ne pas se poser en adversaire d’Israël.
Le présent rapport démontre que l’UE n’a pas fait pleinement usage des instruments à sa disposition pour faire progresser la position politique de la minorité arabe en Israël, et ses droits à la citoyenneté pleine et entière. Tout en reconnaissant les problèmes auxquels est confrontée la minorité, l’UE n’a pas fait usage de la conditionnalité, pas plus que de la diplomatie déclaratoire sur cette question. La minorité figure dans le dialogue politique, mais son importance a été occultée par l’attention portée au conflit israélo-palestinien, au sens étroit du terme.
Enfin, l’UE a bel et bien apporté une aide financière à la minorité, notamment en soutenant certains projets de la société civile. Mais l’influence que l’UE a pu avoir sur les droits de la minorité a été limitée dans son ampleur par la modicité des fonds alloués à Israël (tant à l’Etat qu’aux organisations de société civile) et fortement compromise, également, par l’incapacité de l’UE à prévenir que les pratiques discriminatoires internes se reflètent dans les programmes d’aide et de coopération.
La politique de l’UE à l’égard des citoyens arabes d’Israël devrait refléter plus nettement la conscience qu’il existe un lien entre la minorité arabe et la dynamique plus large du conflit israélo-palestinien. Si l’UE entend établir la paix et la stabilité sur la base de deux Etats démocratiques en Israël et en Palestine, elle devrait s’engager plus activement dans la consolidation des droits de la minorité arabe en Israël à la citoyenneté pleine et entière et de son statut politique, en faisant un usage plus intensif des instruments dont elle dispose (conditionnalité, diplomatie déclaratoire, dialogue, aide et coopération).
Reconnaître le lien entre la minorité et le conflit (et le processus de paix) est considéré par certains analystes comme une épée à double tranchant, une stratégie qui pourrait légitimer le lien négatif qu’ont souligné différentes factions politiques en Israël, y compris l’échange forcé de populations et de la déchéance de nationalité qui pourrait frapper un grand nombre de citoyens arabes d’Israël dans le cadre de la solution des deux Etats. Et pourtant, précisément pour cette raison, il est impératif de prendre appui sur le lien entre conflit et minorité, non pas parce que cela modifierait nécessairement la solution préconisée par l’UE, mais plutôt parce que le fait d’ignorer ce lien rendrait plus difficilement réalisable l’objectif de l’UE de promouvoir une solution à deux Etats qui soit fondée sur les principes de la démocratie et des droits de l’Homme.
C’est pourquoi une stratégie systématique de l’UE visant à résoudre le conflit et à soutenir une solution passant par deux Etats démocratiques, durables et respectueux des droits de l’Homme, en Israël et en Palestine, doit considérer comme une composante essentielle le respect des droits de la minorité arabe palestinienne et de leur qualité de citoyens à part entière.