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Lesbos/Grèce, la nouvelle “cage” pour migrants

Déclaration commune du Réseau Euro Méditerranéan pour les Droits de l’Homme (REMDH), Migreurop, Welcome 2 Europe et Youth without et leurs amis afghans et membres, qui ont été détenus dans l’enfer de Pagani en 2009 et de retour à Lesbos ces derniers jours.

Les récentes tragédies à Lampedusa ont mis en lumière, une fois de plus, l’indifférence dominante de l’UE face au sort des migrants. Aux portes de l’Europe, en Italie comme dans les îles grecques, les migrants sont sujets à des contrôles arbitraires aux frontières, et à des mesures de sécurité qui mettent leurs vies en danger.

Ces derniers jours, plus de 80 migrants ont réussi à gagner l’île de Lesbos, malgré les nombreux refoulements qui ont lieu en Mer Egée. Ces femmes, ces enfants et ces hommes, qui fuient des pays dévastés – certains, réfugiés pour la seconde fois-, des régimes dictatoriaux ou d’insupportables conditions socio-économiques, sont victimes de violences et de l’indifférence des autorités grecques et européennes. En l’absence d’une réglementation claire, la police et les garde-côtes gardent les survivants de ces dangereuses traversées dans des limbes juridiques, sans aucune forme de protection, de soin et d’information.

Les migrants qui arrivent sur l’île de Lesbos doivent s’enregistrer afin de pouvoir ensuite quitter l’île. Néanmoins, l’enregistrement ne se déroule généralement qu’après leur arrestation et leur détention dans un nouvel établissement près du village de Moria. Ouvert le 25 septembre 2013, ce centre de détention, décrit officiellement comme un “centre de premier accueil”, est de facto un centre fermé, entourré de barrières et de fil barbelé. Il devrait par la suite également comprendre 600 places pour la détention de plus long terme. La police locale, assistée par l’agence européenne Frontex, est responsable de l’identification des migrants, mais aussi des recherches d’informations sur les routes migratoires empruntées. Ces procédures ne signifient pas pour autant que les migrants accèdent à une protection, elles constituent en revanche des stratégies de contrôle, de surveillance et de dissuasion supplémentaires. Demander l’asile est actuellement impossible.

En 2009, des habitants de Lesbos, des migrants et des réseaux de militants internationaux ont réussi à faire fermer le vieux centre de détention de l’île, situé dans la zone industrielle de Pagani. Pagani est devenu le symbole des conditions inhumaines de détention, un Guantanamo dans la mer Egée. Trois ans plus tard, les militants locaux ont ouvert “Pikpa”, un village de solidarité auto-organisé où des centaines de réfugiés sont accueillis. Cette expérience d’hospitalité réelle montre que la détention n’est pas nécessaire.

Les personnes qui ont perdu la vie en mer Egée, comme d’autres en mer Méditerranée, et celles qui sont détenues dans de véritables ”cages”, nous rappellent la violence du régime européen des frontières. Ces pratiques ne peuvent pourtant pas empêcher les personnes de se déplacer; elles ne font que créer des trajectoires migratoires plus périlleuses.

Nous ne tolérons pas cette situation. L’exemple du centre d’accueil auto-organisé de Pipka à Lesbos, l’hospitalité de la population locale aux arrivants, prouve qu’il existe des alternatives à la militarisation du contrôle des frontières, aux refoulements et aux centres de detention. Cette alternative est basée sur la solidarité.

Ensemble, nous n’acceptons pas la détention de personnes en recherche imminente de sécurité. Nous voulons les accueillir en Europe. Leur liberté de movement nous concerne tous. Nous n’accepterons jamais d’autres Pagani.