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Les gouvernements de transition doivent garantir les droits des femmes dans leur intégralité

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) commémore la Journée internationale de la femme. Cette célébration arrive dans le contexte de soulèvements pour la démocratie dans la région Sud-Méditerranée et d’une crise économique en Europe. Le Réseau rend hommage aux aspirations courageuses et opiniâtres et aux combats pour la dignité et les libertés dans le Sud-Méditerranée, et salue en particulier le rôle central joué par les femmes dans les mouvements d’opposition aux régimes d’oppression.

Le REMDH est cependant préoccupé par les retours de bâton et le contexte défavorable qui compromettent une véritable promotion des femmes et de l’égalité hommes-femmes au sein des processus de transition dans le Sud-Méditerranée, de même que dans une Europe frappée, et en particulier l’Europe méridionale, par la crise financière et économique.

Bien que les femmes aient, autant que les hommes, joué un rôle clé dans les révolutions, la période de transition qui fait suite aux soulèvements arabes est caractérisée par une tendance à leur marginalisation systématique et par l’absence quasi-totale de leurs priorités et préoccupations dans les programmes de transition. Les femmes redoutent les projets clairement destinés à les priver de la jouissance de leurs droits de citoyenne à part entière.

Le REMDH a salué la clause concernant la parité pour les élections à l’Assemblée constituante en Tunisie mais il regrette que la parité ne soit pas effective sur le terrain et que les femmes ne soient pas représentées en nombre égal. Il a également accueilli favorablement les clauses relatives à l’égalité hommes-femmes dans la Constitution marocaine modifiée mais il constate avec regret qu’elles ne sont pas encore appliquées. Le REMDH est sérieusement préoccupé par l’exclusion systématique des organes de transition et des processus de prise de décision dont sont victimes les femmes égyptiennes. Le REMDH regrette que les égyptiennes aient été exclues des institutions de transition et des processus décisionnels. Le REMDH est profondément préoccupé par les campagnes visant à ternir la réputation des manifestantes impliquées dans des manifestations pacifiques et des mouvements politiques. Le REMDH condamne en particulier les tests de virginité obligatoires que

certaines militantes ont subi ainsi que la brutalité exercée par l’armée et la police égyptienne contre les manifestantes.

Dans les territoires occupés palestiniens, les palestiniennes continuent à souffrir de la violence générée par le conflit israélo-palestinien. De plus, la situation désavantageuse des femmes palestiniennes ne cesse d’être exacerbée par un état de droit faible et une discrimination à l’encontre des femmes qui reste enracinée dans la législation, les régulations et les politiques en vigueur dans les territoires.

En Europe, les femmes sont les premières à souffrir des effets de la crise économique, comme la perte d’emploi, le chômage, la précarité, les politiques d’austérité budgétaire qui affectent les services publics de l’éducation et de la santé, et le populisme et l’extrémisme de droite croissants qui normalisent l’idée de remettre en cause le droits des femmes à contrôler leur fécondité. De surcroit, les mesures prises par les Etats membres de l’UE en ce qui concerne l’égalité homme-femme sont en passe d’être annulées ou reportées, sous couvert de la crise économique et des réponses immédiates qu’il faut apporter aux défis qu’elle soulève. Ces délais affectent, directement ou indirectement, tout progrès en matière d’égalité des genres en Europe.

Partout en Europe du nord comme au sud de la méditerranée, il semblerait donc que la culture patriarcale dominante reproduise ses valeurs avec force, encouragée par la montée des tendances religieuses conservatrices, et l’affaiblissement évident de la volonté politique et la propension des gouvernements à ne pas respecter leurs engagements. En raison de ces périodes de transitions instables, les femmes sont soumises à une discrimination et des violences croissantes.

Nous rappelons les engagements pris par ces pays à respecter la CEDAW et la résolution 1325 du Conseil de sécurité, engagements repris dans la politique commune EuroMed pour la promotion des droits des femmes, dans les Conclusions de Marrakech de 2009, en particulier les articles 4 et 15, qui soulignent l’importance cruciale pour la démocratie et le développement durable d’une participation égale des femmes dans toutes les sphères de la vie.

Nous nous référons aussi aux Conclusions du Conseil de l’Union européenne du 1er décembre 2011 traitant de la politique européenne de voisinage, qui rappellent que « les droits des femmes, l’égalité des sexes et la participation des femmes à la vie politique sont des éléments qui sont essentiels dans une société démocratique, qui revêtent une grande importance pour le développement d’une économie solidaire ».

Les femmes de la région veulent et méritent une démocratie et une citoyenneté basées sur les principes fondamentaux d’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté, la dignité, l’intégrité physique et psychologique, l’accès aux ressources, la santé, l’éducation et le droit de décider de ce qui concerne leur propre corps et leur propre vie.

C’est pourquoi le REMDH demande aux gouvernements, gouvernements provisoires et organes de transition du Sud-Méditerranée.

  • de confirmer le principe de citoyenneté basé sur l’égalité entre les citoyens et la non-discrimination en fonction du sexe, d’affiliations ethniques ou religieuses, ou de classe sociale, et autres formes de discrimination.
  • d’adopter le principe de priorité des conventions internationales des droits de l’Homme sur la législation nationale dans les constitutions nouvellement établies et de les considérer comme source première pour l’établissement des lois.
  • d’adopter le principe de l’égalité hommes-femmes et de non-discrimination envers les femmes dans les nouvelles constitutions et législations, et dans celles qui ont été récemment modifiées, et d’abolir tous les articles discriminatoires dans les lois, en appliquant la définition de la discrimination inscrite dans la CEDAW.
  • de garantir la participation et la représentation égale des femmes dans les organes législatifs, judiciaires et exécutifs et aux postes de décision, durant la période de transition démocratique et ensuite, en adoptant des mesures de discrimination positive telles que des clauses de parité, des quotas, des programmes d’autonomisation, la mise à disposition de soutien financier et l’intégration de la dimension genre dans toutes les politiques et tous les projets, etc.
  • d’établir des mécanismes garantissant la lutte contre l’impunité en cas de violations des droits des femmes et des filles et en cas de violences sexistes.
  • d’assurer la participation des femmes à tous les stades de la prévention et résolution des conflits, conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU.
  • d’assurer que les femmes palestiniennes participent, pleinement et de manière égale, dans la résolution des conflits et dans les efforts de médiation tout comme dans le dialogue sur l’adhésion de la Palestine aux Nations unies. Afin que les femmes palestiniennes, avec leurs partenaires hommes, puissent déterminer les directions futures de la société en accord avec la Déclaration de Beijing et la plate-forme pour l’action et la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU (2000), 1820 (2009), 1888 (2009), 1889 (2009) et 1960 (2010).

aux gouvernements européens:

  • de ne jamais remettre en cause les droits des femmes au motif de crise économique, mais de maintenir scrupuleusement les questions concernant les femmes au centre du programme politique.
  • de faire participer pleinement les femmes aux processus de prise de décision dans les sphères politique, économique, financière et sociale.
  • de traiter la dimension genre de l’impact des crises économiques et sociales dans les plans de redressement nationaux et des solutions qui y sont apportées.
  • de renforcer les programmes de lutte contre les violences faites aux femmes, inacceptables dans des États démocratiques.
  • de garantir aux femmes l’accès à leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris leurs droits reproductifs et leurs droits à la santé sexuelle.

A l’Union européenne (UE) et aux pays de la méditerranée :

  • de respecter leurs engagements pris dans la cadre des conférences ministérielles euro-méditerranéennes (celle d’Istanbul en 2006 et Marrakech en 2009) et de ce fait, d’intégrer pleinement la dimension de l’égalité du genre dans la mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage (PEV), en particulier dans tous les aspects des relations bilatérales entre l’UE et les pays méditerranéens tels que les stratégies nationales droits de l’homme, les rapports annuels d’évaluation de la PEV, les dialogués politiques et techniques mais également les futurs plans d’action PEV.