Bruxelles, le 31 août 2022
Le 24 août 2022, Kaddour Chouicha, éminent défenseur des droits humains, a été arrêté à l’aéroport d’Oran avec son épouse et interrogé par la police pendant deux heures sur la raison de son voyage, sa destination et ses liens avec les mécanismes des droits humains des Nations unies.
M. Chouicha a été empêché d’embarquer sur son vol à l’aéroport sans avoir été informé à l’avance par les autorités que son nom figurait sur une liste d’interdiction de voyager. Le blocage de son voyage était une mesure de représailles pour l’engagement actif de M. Chouicha dans le cadre de l’Examen périodique universel des Nations unies sur l’Algérie, prévu pour novembre 2022, et une punition pour sa participation à une soumission conjointe qui a mis en lumière le rétrécissement de l’espace civique et la répression sévère contre les défenseur.e.s des droits humains et les militant.e.s du mouvement Hirak par les autorités algériennes.
Cette répression croissante comprend les agressions physiques, les arrestations arbitraires, les mauvais traitements et la torture pendant la détention, ainsi que le harcèlement judiciaire contre les manifestant.e.s pacifiques, les membres du mouvement des droits humains, les syndicalistes et les journalistes. M. Chouicha prévoyait de participer à plusieurs réunions de plaidoyer en Europe sur la détérioration continue de la situation des droits de l’homme en Algérie.
Cet incident est survenu le même jour que la visite du Président français en Algérie. Les organisations soussignées craignent que les dirigeants européens continuent de négliger les violations continues des droits humains en Algérie en échange de la sécurisation des besoins énergétiques de l’Europe. Une telle incohérence dans le respect des normes internationales en matière de droits humains et des compromis avec des régimes autoritaires comme celui de l’Algérie ne constituent pas une stratégie fiable pour soutenir le changement démocratique sur les rives du sud de la Méditerranée. Une telle incohérence alimente l’instabilité, accroît le flux migratoire de jeunes sans espoir et crée des conditions dans lesquelles des groupes extrémistes radicaux violents prospèrent tandis que des militant.e.s des droits humains indépendants et pacifiques, des membres de partis politiques, des syndicalistes et des manifestant.e.s non violent.e.s sont arrêté.e.s ou font l’objet d’un harcèlement judiciaire.
Les autorités algériennes ont un long passé de harcèlement contre M. Chouicha. Le 12 mars 2021, lui et son fils ont été violemment battus par les forces de police à Oran (l’un des policiers a tenté de l’étrangler). Le 29 avril 2021, les défenseur.e.s des droits humains Kaddour Chouicha, Jamila Loukil et Said Boudour, ainsi que 12 autres militant.e.s pacifiques, ont été poursuivi.e.s pour des accusations liées au terrorisme. Le 29 avril 2021, le procureur général d’Oran a inculpé les défenseur.e.s des droits humains Said Boudour, Kaddour Chouicha et Jamila Loukil de « complot contre la sûreté de l’État visant à inciter les citoyens à prendre les armes contre l’autorité de l’État ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national » ; « propagande de nature à nuire à l’intérêt national, d’origine ou d’inspiration étrangère », et « enrôlement dans une organisation terroriste ou subversive active à l’étranger ou en Algérie » (sur la base des articles 77, 78, 87bis, 87bis 3, 87bis 6, 87bis 12 et 96 du Code pénal). La dernière accusation est particulièrement inquiétante, car les autorités établissent un lien entre l’activisme pacifique et légitime des défenseur.e.s des droits humains et le terrorisme présumé. S’ils sont reconnus coupables de ces charges, les défenseur.e.s des droits humains risquent une peine de prison pouvant aller jusqu’à vingt ans.
Signataires:
- Cairo Institute for Human Rights Studies
- Euro-Mediterranean Network for Human Rights
- Algerian League for Human Rights
- Justicia
- Action Détenus
- Riposte Internationale
- FIDH (International Federation for Human Rights), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
- OMCT (World Organization Against Torture), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders