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La Manche deviendra-t-elle un cimetière ?

Maryam Nuri Hama Amin est la première victime identifiée de l’une des dernières tragédies survenues aux frontières de l’UE. Cette ressortissante irakienne de 24 ans tentait de rejoindre son fiancé au Royaume-Uni. A plusieurs reprises, elle avait essayé de le rejoindre en utilisant des moyens légaux mais elle s’était heurtée à des refus à chaque reprise.

Le 24 novembre 2021, 26 personnes se sont noyées dans la Manche aux côtés de Maryam. La majorité d’entre elles étaient des citoyen.ne.s kurdes, iranien.ne.s et irakien.ne.s ; des femmes enceintes et des enfants figuraient parmi les victimes. Le naufrage a mis en lumière le nombre croissant de traversées de la Manche cette année, avec 25.700 personnes qui ont traversé depuis janvier. Malgré cette augmentation, le nombre total de demandes d’asile au Royaume-Uni est bien inférieur au pic atteint au début des années 2000 : plus de 84.000 à l’époque contre 37.562 en 2021.

La France et le Royaume-Uni se renvoient la patate chaude sur la migration

La France et le Royaume-Uni se sont mutuellement rejeté la responsabilité de ce naufrage. Le ministre français de l’Intérieur s’est plaint de la « mauvaise gestion de l’immigration » par le Royaume-Uni. De l’autre côté de la Manche, les responsables britanniques ont accusé la France de ne pas suffisamment patrouiller à la frontière.

Afin de restreindre davantage le système d’asile au Royaume-Uni, la ministre de l’Intérieur Priti Patel a proposé de repousser vers la France les migrant.e.s qui tentent de traverser la Manche. Le gouvernement français s’oppose farouchement à cette proposition. Mme Patel suggère également d’envoyer les migrant.e.s vers des centres de détention en Albanie ou aux îles Malouines.

Le 28 novembre, des responsables français, néerlandais, belges, européens, de Frontex et d’Europol se sont réunis à Calais. Ils ont accusé les réseaux de passeurs et ont convenu de travailler ensemble pour les démanteler. Ils ont également décidé de renforcer les opérations de police transfrontalières et de déployer un avion Frontex pour surveiller la Manche.

Renforcer la sécurité aux frontières n’est pas la solution

Le renforcement de la police et de la surveillance n’empêchera pas les gens de traverser. Les exemples aux autres frontières de l’UE le démontrent. Par conséquent, la déclaration du Président Macron selon laquelle « la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière » semble plutôt rhétorique si elle n’est pas accompagnée d’opérations de recherche et de sauvetage ou de l’ouverture de voies légales.

Entre-temps, Human Rights Watch a estimé qu’environ 2.000 personnes, dont 300 mineurs, vivaient dans des conditions horribles à Calais. Ces personnes continueront à tenter la traversée de la Manche. Des solutions sûres et légales sont nécessaires de toute urgence pour éviter que d’autres tragédies ne se reproduisent et que de nombreuses autres Maryam ne perdent la vie en mer.

Vous pouvez regarder les interviews sur le naufrage qu’EuroMed Droits a accordées à Al Jazeera (en arabe) et TV Canarias (en espagnol).

Crédit photo: Sara Prestianni