Il ne fait pas trop chaud en Europe et si le réchauffement climatique commence à produire ses effets, le temps n’est pas à la canicule. En France, le chef de l’Etat a enjoint à ses ministres de ne pas s’éloigner à moins de deux heures de la cour de l’Elysée. Pourtant Paris est désert. Les autres capitales européennes sont tout aussi vides, Bruxelles plus que les autres, car sans gouvernement Belge mais aussi sans gouvernement européen. L’Europe prend ses vacances.
Est-ce ceci qui explique le silence terrifiant qui répond à la terreur qui frappe les habitants de Gaza et que l’arrêt momentané des hostilités n’effacera pas. Toutes les explications du monde ne peuvent justifier que cent victimes tombent en quelques heures et près de deux milliers en quelques semaines, que des hommes, des femmes, des enfants, pris au piège de ce ghetto, fuient dans toutes les directions comme des animaux apeurés sans trouver d’issues puisque tout est contrôlé, fermé, assiégé, (mitraillé,) bombardé. Plus de centrale électrique, plus d’eau, bientôt plus de soins médicaux, plus de nourriture. Il ne suffit pas à l’armée israélienne de caresser le rêve meurtrier et illusoire de « casser » le Hamas, comme le Hezbollah au Liban, elle se moque absolument des ravages causés à une population qu’elle a manifestement cessé de considérer comme ses futurs voisins et peut-être même comme appartenant à la même humanité que les Israéliens.
Il se trouve que le silence européen prend d’autant plus de relief que l’on a sous nos yeux un élément de comparaison : Les mesures prises contre la Russie. Mesures très prudentes diront certains mais mesures quand même alors que l’Union européenne et l’allié américain se contentent de mots quand il s’agit de la Palestine. Regretter la violence dans des termes pour le moins mesurés mais ne jamais contraindre les autorités israéliennes, tel semble être la politique en vigueur.
Il est temps de mesurer les dimensions du crime qui est en train de se commettre sous nos yeux. Il est temps de comprendre que l’Union européenne ne s’exonérera pas de ses responsabilités en payant encore et encore la reconstruction d’infrastructures aussitôt détruites. Notre argent ne nous empêchera pas d’être considérés comme complice de ce que nous aurions pu empêcher, tout simplement parce que notre argent n’est pas l’étalon qui détermine le prix des vies humaines perdues à Gaza.
La France et la Grande Bretagne, en tant que membres de droit du Conseil de Sécurité, à défaut des Etats-Unis, doivent saisir l’ONU d’une résolution contraignante et sous peine de sanctions imposant un cessez-le feu et le retrait des troupes israéliennes de Gaza, l’envoi d’une force d’interposition et de protection du peuple palestinien, et la fin du blocus aérien, maritime et terrestre de ce territoire. L’Union Européenne doit, au vu de l’article 2 relatif au respect des droits de l’homme de l’Accord d’association qui la lie à Israël, suspendre la mise en œuvre de cet Accord.
Que la Palestine soit, enfin, reconnue comme un membre à part entière de l’ONU et que le Conseil de Sécurité décide de saisir sans plus de délais la Cour pénale internationale pour que les auteurs et responsables de tous les crimes de guerre commis aient à rendre compte devant la justice.
Que l’on ne nous dise pas que l’indéfectible allié d’Israël que sont les Etats-Unis y feront obstacle. Ce n’est pas en permettant à ceux-ci de ne pas exprimer clairement leur choix que l’on fera avancer les choses. De tout cela les Européens ont les moyens, politiques, économiques et financiers. Il ne leur manque qu’une chose : la volonté
Karim Lahidji, Président de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme)
Michel Tubiana, Président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)