Déclaration conjointe
Bruxelles, 12 septembre 2018
A nouveau, 116 personnes ont été expulsées depuis Ceuta vers le Maroc, le 23 août 2018, et deux ont perdu la vie lors des arrestations de masse au Maroc conduites depuis. Il s’agit d’une nouvelle démonstration des conséquences de l’approche violente, restrictive et sécuritaire des politiques migratoires.
Parmi les personnes expulsées, 17 ont comparu devant le tribunal de première instance de Tétouan le 10 septembre et ont été condamnées à deux mois pour entrée et séjour irréguliers, pour outrage aux fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, et détention d’armes. Les autres ont été déplacées de force dans d’autres villes par les forces auxiliaires marocaines. Les manifestations pacifiques devant le consulat espagnol à Tanger le 31 août ont été violemment réprimées.
Il est urgent que les autorités marocaines et espagnoles mettent fin au climat général dans lequel ces événements tragiques se déroulent : la précarité économique et sociale inacceptable des personnes migrantes au Maroc, y compris les personnes régularisées ; l’impossibilité de rejoindre l’Espagne notamment pour demander l’asile dans les bureaux dédiés de Ceuta et Melilla ; la violence et le harcèlement, en toute impunité, dont sont victimes les personnes migrantes et certains de leurs soutiens associatifs.
Dans ce contexte, EuroMed Droits, la FIDH et l’OMCT :
• Enjoignent les autorités marocaines à ne pas criminaliser l’entrée et le séjour irrégulier, ainsi que recommandé dans les Principes et Lignes directrices relatifs aux droits des personnes migrantes en situation de vulnérabilité, émis par le Haut-Commissariat des Droits de l’homme de l’ONU en 2018 et expriment à cet égard leur préoccupation quant aux poursuites engagées contre les 17 personnes migrantes ;
• Soulignent qu’il est primordial que les auteurs des violences soient sanctionnés quels qu’en soient les auteurs et expriment leurs inquiétudes sur l’absence de poursuite concernant les violences pourtant avérées de la part des autorités des deux côtés de la frontière ;
• Considèrent qu’il est urgent qu’une loi sur la migration et l’asile conforme au respect du droit international applicable pour le plein respect des droits des personnes migrantes et réfugiées soit adoptée au Maroc sans délai et accompagnée d’une vraie politique d’intégration.
Enfin, il est choquant que les violences à la frontière et les expulsions collectives continuent de la part de l’Espagne – apparement avec la complicité des autorités marocaines- en contradiction avec les engagements du nouveau gouvernement. Ces pratiques, condamnées unanimement par les Nations Unies, le Conseil de l’Europe, et les organisations de la société civile doivent cesser immédiatement et la norme qui donne couverture auxdites pratiques dans la loi sur la sécurité (dite loi de « sécurité citoyenne ») être abrogée.
A cet égard, nos organisations saluent la réouverture de l’enquête relative au massacre de Tarajal en février 2014 où quinze personnes ont été tuées à la suite de l’utilisation par la Guardia Civil de matériel anti-émeutes, et se félicitent de l’ouverture d’une enquête par la police judiciaire marocaine pour clarifier les causes de la mort des deux personnes maliennes durant les arrestations de masse de ce août.
Nos organisations expriment leur solidarité aux victimes de ces événements ainsi que leur soutien aux organisations de la société civile marocaine, espagnole et aux organisations représentant les communautés migrantes au Maroc qui se sont mobilisées sans attendre pour suivre au plus près la situation des personnes victimes dans ces événements.
Signataires:
- EuroMed Droits
- Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH)
- Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)
Lire en espagnol ici.