L’UE et les États-Unis devraient dénoncer ces conditions
(Beyrouth, le 13 février 2018) – Le gouvernement égyptien a piétiné les conditions minimales pour que des élections libres et équitables aient lieu les 26-28 mars 2018 lors du vote pour la présidence, ont annoncé aujourd’hui quatorze organisations internationales et régionales de défense des droits humains. Le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi ne cesse d’étouffer les libertés fondamentales. Il a également arrêté des candidats potentiels et effectué des rafles parmi leurs partisans.
« Les alliés de l’Egypte devraient aujourd’hui dénoncer publiquement la mascarade que sont ces élections, plutôt que de continuer à offrir un soutien inconditionnel à un gouvernement présidant à la pire crise des droits humains que le pays ait connue depuis des décennies », ont déclaré les organisations.
Les États-Unis, l’Union européenne et les États européens, qui fournissent une aide financière substantielle au gouvernement égyptien, devraient systématiquement intégrer les droits humains dans leurs relations avec l’Égypte. Ces pays devraient mettre fin à toute assistance en matière de sécurité pouvant être utilisée dans le cadre de la répression interne, et axer leurs efforts sur l’amélioration concrète des droits fondamentaux.
La répression en amont de l’élection présidentielle égyptienne est une escalade substantielle dans un environnement politique qui nie le droit des individus à la participation politique et à la liberté d’expression, d’association, et de rassemblement pacifique. Les autorités égyptiennes devraient immédiatement libérer toutes les personnes arrêtées pour avoir participé à des campagnes politiques ou avoir déclaré leur intention de se présenter aux élections présidentielles, appellent les organisations.
Les autorités ont successivement éliminé les principaux concurrents ayant annoncé leur intention de se présenter à la présidentielle. Ils ont ainsi arrêté deux candidats potentiels, le général à la retraite Sami Anan et le colonel Ahmed Konsowa. Un troisième candidat potentiel, Ahmed Shafiq, ancien Premier ministre et commandant de l’armée de l’air, aurait été placé en résidence surveillée non déclarée dans un hôtel jusqu’à ce qu’il se retire de la course. Deux autres candidats potentiels, l’avocat des droits humains Khaled Ali ainsi qu’un ancien membre du parlement, Mohamed Anwar al-Sadat, ont fait marche arrière mettant en cause l’environnement répressif, la sécurité de leurs partisans et les manipulations gouvernementales.
Le seul candidat actuel contre le président al-Sissi est Moussa Mostafa Moussa, le chef du parti Al-Ghad, qui soutient le gouvernement. Il a enregistré sa candidature le 29 janvier, dernier jour possible, après des efforts des députés pro-gouvernementaux pour le convaincre de se présenter. Jusqu’à la veille de sa candidature, il était membre d’une campagne soutenant al-Sissi pour un second mandat. Dans ce contexte, le droit de tout citoyen à se présenter librement et à voter lors d’élections traduisant la libre expression de la volonté des électeurs, semble dénué de sens.
Ces actions gouvernementales contreviennent à la Constitution égyptienne et constituent une violation manifeste de ses obligations et engagements internationaux, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et de la Déclaration de 2002 de l’Union africaine sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique. L’article 25 du PIDCP et l’article III de la Déclaration de l’Union africaine lient la participation politique, en tant qu’électeur et candidat, aux libertés de réunion, d’expression et d’association. Un manuel de l’Union européenne pour les observations électorales, détaillant les normes pour des élections équitables, rappelle que ce sont des droits « sans lesquels [les élections] ne peuvent pas être exercées de manière significative ».
L’actuel climat de représailles contre les voix dissidentes et la répression croissante à l’encontre des défenseurs des droits humains et des organisations indépendantes de défense des droits ont rendu extrêmement difficile l’observation efficace des élections par des organisations nationales et étrangères. Les médias ont indiqué que le nombre d’organisations ayant obtenu l’autorisation de surveiller les élections était inférieur de 44% à celui de la dernière élection présidentielle en 2014. Le nombre de demandes a en général également diminué.
Plusieurs partis d’opposition ont appelé au boycott des élections. Un jour plus tard, le Président al-Sissi a menacé d’utiliser la force, y compris l’armée, contre ceux qui minent la « stabilité et la sécurité égyptiennes ». Le 6 février, le parquet général a ordonné une enquête visant 13 des principaux dirigeants de l’opposition, les accusant d’appeler à « renverser le régime au pouvoir ».
« Sept ans après le soulèvement de 2011 en Egypte, le gouvernement se moque des droits fondamentaux pour lesquels les manifestants se sont battus », ont déclaré les organisations. « Le gouvernement égyptien prétend être dans une « transition démocratique » mais s’en éloigne à chaque élection. »
Organisations signataires
- Cairo Institute for Human Rights Studies
- CIVICUS “World Alliance for Citizen Participation”
- CNCD-11.11.11
- Commission internationale de juristes
- EuroMed Droits
- Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH)
- Human Rights First
- Human Rights Watch
- International Service for Human Rights
- Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
- Project on Middle East Democracy
- Reporters sans frontières (RSF)
- Robert F. Kennedy Human Rights
- Solidar