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Document d’analyse du Partenariat de Mobilité signé entre le Royaume du Maroc, l’UE et neuf États membres

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En 2011, dans le contexte du Printemps Arabe et face aux mouvements de populations dans le Sud de la Méditerranée, la Commission européenne décidait d’établir un nouveau dialogue sur les migrations, la mobilité et la sécurité entre l’Union européenne (UE) et ses voisins méridionaux. Cette coopération, qui s’inscrit plus largement dans le cadre de la politique de voisinage de l’UE, annonce le lancement de Partenariats sur la Mobilité. Le 7 juin 2013, le Maroc est le premier pays méditerranéen a signé avec l’Union européenne une déclaration conjointe établissant un “Partenariat de Mobilité”.

Ce cadre de coopération à long terme reprend les objectifs de l’approche globale de l’UE sur la question des migrations, à savoir: une meilleure organisation des migrations légales; une lutte efficace contre les migrations illégales; une maximisation de l’incidence positive des migrations sur le développement;  la promotion et le respect des droits des réfugiés.

Dans cette note, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) examine les priorités définies par les parties et les activités listées à titre indicatifs au regard du droit des étrangers, du système d’asile national et de la situation actuelle des migrants et des réfugiés au Maroc.

La déclaration conjointe qui établit ce Partenariat n’entraîne pas d’obligations juridiques contraignantes pour les parties; la mise en œuvre du PM est donc tributaire de la bonne volonté et des efforts déployés par l’UE, ses Etats membres et le Maroc.

Cependant, le Réseau constate que l’appel au renforcement et au déploiement d’instruments de lutte contre l’immigration irrégulière tient une place prépondérante parmi les propositions contenues dans la déclaration. Les parties s’engagent à signer, prochainement, un accord de réadmission au Maroc des ressortissants marocains ou d’Etat tiers, notamment les Subsahariens, en situation irrégulière dans l’UE et d’établir un accord de travail entre le Maroc et l’agence européenne Frontex.

Au vu de la situation prévalant au Maroc, un accord de réadmission comporterait de sérieux risques en termes de respect des droits des migrants et des réfugiés et les exposerait à des traitements inhumains et dégradants. En effet, les organisations de la société civile marocaine et le conseil national des droits de l’Homme ont largement dénoncé le sort des ressortissants subsahariens “bloqués” au Maroc. La criminalisation de l’immigration irrégulière, inscrite dans la Loi 02-03, l’absence de régime d’asile effectif et le climat xénophobe hostile aux migrants -allant jusqu’à causer la mort de nombreuses personnes ces dernières années-, sont autant de réalités que les parties ne peuvent pourtant pas ignorer.

De plus, ces dispositifs de surveillance des frontières ont pour objectif d’empêcher les migrants et les réfugiés d’atteindre les frontières européennes. Loin de veiller aux besoins de protection, en particulier des plus vulnérables, ces mesures comportent en elles-mêmes des risques de violations par les Etats de leurs engagements internationaux et d’atteintes aux droits fondamentaux – le principe de non-refoulement, le droit de demander l’asile et le droit de chacun à quitter un pays y compris le sien, comme récemment rappelé par le Conseil de l’Europe. Par ailleurs, elles exacerbent les pratiques de « chasse à l’étranger » menées par les autorités marocaines et la violence qui en dérive.

Si l’Union européenne et le Maroc s’engagent à promouvoir la mobilité des ressortissants marocains, force est de constater que les propositions reflètent avant tout les intérêts de l’UE en facilitant l’entrée et le séjour sur son sol, des seules personnes qualifiées.

Enfin, l’engagement général des parties pour l’amélioration des conditions des migrants et des réfugiés est trop faible au regard des évènements dramatiques survenus au Maroc. Malgré l’annonce d’une campagne de régularisation des personnes en situation irrégulière et d’une « nouvelle politique migratoire », le royaume chérifien doit faire face à de nombreux défis afin de garantir les droits de l’homme des migrants et des réfugiés, ainsi que le respect de leur dignité. Le Réseau redoute que les activités en matière de lutte contre l’immigration irrégulière soient privilégiées et implémentées aux dépens, non seulement des autres thématiques du Partenariat, mais aussi des droits des migrants et des réfugiés.

Enfin, le REMDH désapprouve la logique donateur/bénéficiaire qui guide ce Partenariat et la pratique de « marchandage », selon laquelle l’aide économique européenne et les facilitations de visas sont octroyées en échange du contrôle des “flux migratoires” par le Maroc.

Dans ce contexte, le Réseau invite l’Union européenne, ses Etats membres et le Maroc à traduire en actions tangibles leurs engagements en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’Homme, et à favoriser une réelle mobilité en assurant la liberté de circulation de tous les ressortissants marocains. Seules les activités du Partenariat de Mobilité respectant de manière inconditionnelle les droits des migrants et des réfugiés doivent être mises en œuvre.

Recommandations 

  • Pour la mise en œuvre du Partenariat de Mobilité : Garantir la participation des organisations de la société civile marocaine  – en particulier celles de défense et d’aide aux migrants – et des ONGI aux négociations et à la mise en œuvre du Partenariat de Mobilité, et s’abstenir d’appliquer les activités ne respectant pas pleinement les droits des migrants et des réfugiés, notamment l’accord de réadmission;
  • A l’Union européenne : Corriger profondément ses politiques migratoires, actuellement basées sur une approche sécuritaire et d’externalisation des contrôles migratoires, et mettre en œuvre des politiques de renforcement et de protection des droits de l’Homme sur son territoire et dans les pays tiers;
  • Aux autorités marocaines : Mettre en œuvre les recommandations du Comité de l’ONU sur les droits des travailleurs migrants et du Conseil national des droits de l’Homme dans le cadre des réformes en cours pour une nouvelle politique d’asile et d’immigration conforme au droit international, et garante des droits des migrants et des réfugiés, en luttant notamment contre l’impunité de tout responsable de violences policières envers les migrants ainsi qu’aux refoulements et expulsions collectives aux frontières.