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Deux ans après le Pacte européen sur la Migration, les droits des migrant.es et des réfugié.es sont toujours violés

Ce vendredi 23 septembre marque le deuxième anniversaire de la publication par la Commission européenne du nouveau Pacte sur la Migration et l’Asile.

Présenté à l’origine comme un « nouveau départ » pour la politique migratoire européenne, les négociations n’ont pas beaucoup avancé. Dans l’intervalle, les ONG en première ligne ont constaté une augmentation des refoulements systématiques et une recrudescence de la violence et des décès aux frontières extérieures de l’UE. Bien qu’il n’ait pas encore été adopté, les capacités du Pacte européen sont également examinées dans deux nouvelles simulations présentées par EuroMed Droits.

Violations à toutes les frontières… 

En Méditerranée, un nombre record de refoulements par procuration a été enregistré entre l’Italie et la Libye, avec 32 425 personnes renvoyées en Libye pour la seule année 2021. Les preuves de refoulements atroces aux frontières gréco-turques se sont accumulées et ont été examinées par le Parlement européen. À la frontière espagnole, un nombre sans précédent de 4 404 décès a été enregistré en 2021 et, récemment, 64 personnes ont disparu à la frontière entre Nador et Melilla.  

Les événements tragiques se multiplient en Méditerranée orientale, en raison de l’omission de secours en mer de Malte, de la Grèce et de l’Italie. La politique de refoulement systématique de Chypre n’est pas meilleure, comme en témoigne la mort récente d’une petite fille, Lujii, après un voyage de 10 jours en Méditerranée. Au même moment, le 12 septembre 2022, un bateau rempli de Syrien.ne.s est arrivé au port sicilien de Pozzallo (apparemment en provenance de Turquie) avec à son bord les corps de trois enfants et de trois femmes décédé.e.s.  

Au-delà de la Méditerranée, de violents refoulements ont également eu lieu en 2021 à la frontière entre la Biélorussie, la Pologne et les pays baltes. Des milliers de personnes ont été massées dans des conditions inhumaines. Dans la Manche, l’incident le plus meurtrier a été enregistré en novembre 2021 lorsque 27 personnes se sont noyées. Et pourtant, la seule réponse du gouvernement britannique a été d’externaliser à l’extrême le contrôle des migrations, via l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda.  Les refoulements se sont également multipliés en Bulgarie, où des centaines de réfugié.e.s, principalement syrien.ne.s, ont été refoulé.e.s vers la Turquie.  

…alors que les États membres et l’UE sont à la traîne 

Pendant ce temps, les négociations sur le Pacte sont restées dans l’impasse, mais le Conseil de l’UE a fait pression pour l’approbation de certains dossiers individuels plutôt que de poursuivre l' »approche paquet » souhaitée par le Parlement européen. Une telle approche, qui nécessiterait un consensus des États membres de l’UE sur tous les dossiers législatifs du Pacte européen, est très difficile étant donné les positions très divergentes des États membres sur certaines dispositions.  

Lors de la dernière réunion Justice et Affaires intérieures de juin 2022, les États membres sont parvenus à un accord sur les dossiers Filtrage et Eurodac qui doivent maintenant être négociés avec le Parlement. Les États membres se sont également mis d’accord sur le code frontières Schengen révisé, qui comprend une nouvelle définition plus large et simplifiée de l’instrumentalisation de la migration, suite aux événements survenus à la frontière biélorusse, qui réduirait de manière inquiétante les droits des migrant.e.s et des réfugié.e.s.  

La République tchèque, qui assure actuellement la présidence tournante du Conseil de l’UE jusqu’à la fin du mois de décembre 2022, fait pression de manière inquiétante pour qu’une position commune soit adoptée d’ici la fin de sa présidence sur le Règlement visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile. Bien que leur proposition semble bénéficier d’un large soutien de la part des États membres de l’UE, elle porte gravement atteinte aux droits des migrant.e.s et des réfugié.e.s car elle permet aux États membres de déroger aux lois et aux normes en matière d’asile.  

Enfin, le Parlement européen négocie actuellement des amendements au dossier de la procédure d’asile à la frontière. Un des amendements proposés par le Parlement européen est de réduire le pourcentage du taux de reconnaissance des pays d’origine des demandeurs.ses d’asile de 20% à 10%, ce qui signifie que tout demandeur qui vient d’un pays qui a un taux de reconnaissance de 10% ou moins serait automatiquement dirigé vers la procédure frontalière. Comme le montrent les simulations réalisées par EuroMed Droits (ci-jointes), un nombre croissant de migrant.e.s et de réfugié.e.s devraient encore subir la procédure d’asile à la frontière malgré la proposition. 

Le Pacte européen sur les migrations ne peut pas fonctionner 

Les simulations d’EuroMed Rights montrent ce qui se serait passé en Espagne et en Italie en 2020 et 2021 si le règlement sur le filtrage et le règlement sur les procédures d’asile prévus par le nouveau pacte sur les migrations et l’asile étaient déjà en vigueur.  

Les chiffres simulent deux scénarios différents. Dans le premier, le seuil du taux de reconnaissance pour lequel les procédures frontalières sont appliquées est fixé à 20 %, comme le prévoit la proposition initiale du Pacte. Dans le second, ce seuil est fixé à 10%, comme le prévoient les amendements qui sont actuellement discutés au Parlement européen. 

Les simulations montrent comment un très grand nombre de demandeurs.ses d’asile devraient encore subir la procédure d’asile à la frontière, être privé.e.s de leur liberté et rester en détention pendant une période prolongée.  

D’après ces simulations, l’Espagne devrait multiplier sa capacité de détention par huit dans le scénario à 20% et par cinq dans le scénario à 10%. L’Italie devrait multiplier par 11 sa capacité de détention dans les deux scénarios. Cela montre l’infaisabilité totale de la proposition, même en abaissant le seuil à 10%.  

Pacte de l’UE : toujours à mettre en œuvre et déjà dépassé 

Deux ans se sont écoulés depuis que le Pacte européen a été présenté par la Commission. Durant cette période, les organisations de la société civile ont été témoins d’une augmentation des violations à l’encontre des migrant.e.s et des réfugié.e.s dans toute la région, d’incidents toujours plus tragiques entraînant de nouvelles pertes de vies, et d’une augmentation massive des dérogations au droit d’asile et aux droits fondamentaux.  

Les négociations autour du Pacte européen sont pour la plupart dans l’impasse, mais la Commission européenne et les États membres ont proposé d’autres dispositions et dossiers législatifs, permettant ainsi aux États membres de conclure des accords rapides sans avoir à s’entendre sur l’ensemble du « paquet » européen. Un exemple est le règlement sur l’instrumentalisation qui permet aux États membres de déroger à la législation et aux garanties européennes en matière d’asile. Certains États membres ont déjà commencé à mettre en œuvre certaines des dispositions contenues dans le Pacte européen avant son adoption, contournant ainsi le rôle de contrôle du Parlement européen.  

Combien d’années les personnes migrantes et réfugiées devront-elles encore attendre avant que l’UE et ses États membres les traitent comme des êtres humains et adaptent leurs politiques pour offrir un véritable « nouveau départ » fondé sur les droits humains et respectueux des droits des migrant.e.s et des réfugié.e.s ?