Préface du rapport annuel 2021 d’EuroMed Droits, par le Président et le Directeur exécutif
En octobre 2021, EuroMed Droits a tenu sa 12ème Assemblée générale. Bien que la pandémie nous ait obligés à la tenir en ligne, nos membres ont fait preuve de détermination et d’enthousiasme pendant trois jours complets. Nous avons apprécié les débats politiques, les rapports et le réseautage en ligne. Néanmoins, les principales réalisations de l’Assemblée générale furent l’adoption unanime d’une nouvelle stratégie organisationnelle articulée autour de dix objectifs que nous nous efforcerons d’atteindre ensemble au cours des six prochaines années, et l’élection réussie d’un nouveau Comité exécutif de 12 membres, dont un président élu au suffrage direct. Un autre moment important fut l’accueil enthousiaste de six nouveaux membres du réseau. Consolidé et motivé, EuroMed Droits fera face aux difficultés et aux défis que 2022 amènera quant à la promotion et à la protection des droits humains en Afrique du Nord, en Europe et au Moyen-Orient, avec la volonté de tester de nouveaux modes de fonctionnement.
L’année 2021 fut également marquée par la deuxième année de fermetures et de restrictions, qui, en dépit des problèmes qu’elles ont créés, ont également fourni une nouvelle occasion de tirer les leçons du travail en ligne. Nous avons notamment amélioré les réunions de nos groupes de travail en ligne et mis en place de nouveaux webinaires plurithématiques portés par des participant·e·s et des intervenant·e·s qui n’auraient peut-être pas eu l’occasion de participer à un séminaire ou à une conférence physique. Nous avons également établi des collaborations plus étroites entre les membres au sein des groupes de travail, et nous nous sommes efforcés de créer de nouveaux partenariats avec un éventail plus large d’acteurs – allant souvent au-delà des acteurs de la société civile pour impliquer des représentant·e·s des institutions publiques et des décideur·e·s politiques dans la « co-création » de solutions aux problèmes de droits humains et de démocratie.
Malgré nos efforts et ceux d’organisations et de gouvernements partageant les mêmes idées, la situation dans la région euro-méditerranéenne ne s’est pas améliorée en 2021. Le coup de force du Président tunisien Kais Saied, le 25 juillet, et la concentration du pouvoir entre les mains de la présidence ont jeté une ombre noire sur la politique tunisienne et le modèle que sa transition, s’éloignant de l’autocratie, avait été pour les militant·e·s de la région au lendemain de la révolution de 2011. La volonté du Président tunisien de limiter les libertés dont les organisations de la société civile avaient bénéficié avant son arrivée au pouvoir, et sa décision de dissoudre le Parlement tunisien, dysfonctionnant mais démocratiquement élu, sont particulièrement inquiétantes. En dehors de la Tunisie, la situation n’est, malheureusement, guère meilleure. Dans la déclaration finale de notre Assemblée générale, par exemple, nous avons mis l’accent avec nos membres sur la persistance effrayante (et dans certains cas même l’augmentation) du racisme et de la discrimination dans toute la région EuroMed, du Nord au Sud. Reconnaissant que le racisme est structurellement enraciné et endémique, nous avons également rappelé que cela peut et doit changer. En effet, 2021 a offert une lueur d’espoir : dans toute la région, nous avons observé l’émergence d’une multitude d’initiatives antiracistes dynamiques et multiformes, combinant l’activisme antiraciste local avec des appels mondiaux à la justice raciale et à la fin de l’oppression structurelle, de la ségrégation et de l’apartheid, comme dans le cas d’Israël/Palestine.
Jusqu’à présent, l’année 2022 annonce d’autres problèmes à venir. Depuis février 2022, l’attaque militaire du Président Poutine contre l’Ukraine a entraîné des violations massives des droits humains et contraint des millions de personnes à fuir pour se mettre en sécurité. La politique guerrière de la Russie et les réponses européennes à celle-ci affecteront également le pouvoir et la politique dans la région euro-méditerranéenne : elle réduira très probablement le niveau de pression pour les réformes intérieures que les puissances européennes sont prêtes à exercer sur les autocrates de la région sud-méditerranéenne. La diminution des exportations de produits alimentaires et la hausse des prix des produits de base sont susceptibles d’accroître le risque d’insécurité intérieure et de répression gouvernementale sur toutes les rives du Sud de la Méditerranée. En dépit de ces retombées menaçantes, elles peuvent également servir de tremplin aux dirigeants démocratiques libéraux pour prendre la posture adéquate contre l’autoritarisme et l’illibéralisme sous toutes ses formes.
Alors qu’à EuroMed Droits, nous nous préparons à célébrer notre premier quart de siècle à l’automne 2022, nous avons fait le point sur ces développements et ceux qui y sont liés. Nous restons déterminés à continuer à utiliser nos connaissances et notre expérience approfondies, en tant que réseau dirigé par ses membres, pour faire avancer la lutte pour les droits humains et la démocratie pendant les prochaines 25 années.
Nous ne pouvons conclure cette préface sans mentionner le décès, le 2 octobre 2021, de notre ami et président honoraire, Michel Tubiana. Michel était, depuis des décennies, un militant acharné qui mettait ses connaissances, sa pratique du droit et sa détermination au service de la lutte pour les droits humains, pour la dignité et pour la collaboration internationale entre les acteurs de la société civile. Il nous manquera. Et il restera comme un phare dans la poursuite de notre lutte pour promouvoir et protéger les droits humains et la démocratie à travers et à l’intérieur des frontières de la région euro-méditerranéenne.
Wadih Al-Asmar (Président) & Rasmus Alenius Boserup (Directeur exécutif)
Rapport Annuel 2021
Vous pouvez lire le rapport annuel 2021 ci-dessous ou en cliquant sur ce lien.