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Dans la région Euro-méditerranéenne, deux mots d’ordre contre les violations des droits des personnes LGBTQI+ : résistance et résilience

Alors que juin célèbre le mois des fiertés dans le monde entier, une augmentation inquiétante des discours et crimes de haine à l’encontre des personnes LGBTQI+ dans la région euro-méditerranéenne s’observe ces dernières années.

En 2021, une proposition de loi anti-LGBTQI+en Hongrie a suscité la controverse parmi les États membres de l’UE ; en juin 2022, le ministre libanais de l’intérieur Bassam Mawlawi a appelé les forces de sécurité intérieure à « empêcher tout type d’événement, de célébration ou de rassemblement » de la communauté LGBTQI+ ; et en janvier dernier, le ministre algérien du commerce et de la promotion des exportations a lancé une campagne « anti-arc-en-ciel » d’une semaine contre les produits comportant des signes et couleurs portant atteinte aux « valeurs morales de la société algérienne ». Il ne s’agit là que de quelques exemples parmi tant d’autres, rapportés dans notre “backlash map”, et attestant d’une augmentation de la répression à l’encontre des organisations LGBTQI+ et des projets dits “anti-gay” dans certains pays de la région Euro-méditerranéenne.

À EuroMed Droits, nous reconnaissons la force des collectifs LGBTQI+ de la région Euro-méditerranéenne qui, malgré une répression sévère, continuent de résister et lutter contre vents et marées pour la reconnaissance de leurs droits. Et en ces temps difficiles, la force et le soutien mutuel de la communauté LGBTQI+ continuent de briller. EuroMed Droits croit fermement au pouvoir de la résistance et de la résilience des personnes LGBTQI+ face à une oppression sans fin. Et leur détermination à poursuivre leur combat coûte que coûte a déjà porté ses fruits.

En Turquie, où le premier discours du président Recep Tayyip Erdoğan après sa réélection en mai 2023 ciblait les droits des personnes gays et trans, des avancées positives ont été réalisées pour rendre visible la communauté dans la sphère publique.. Grâce à la résilience de la communauté LGBTQI+ turque, nous avons observé une augmentation relative du nombre d’organisations, d’initiatives et de clubs universitaires dédiés à la promotion et à la protection des droits des personnes LGBTQI+, dans un périmètre géographique très étendu. Cela va de pair avec l’apparition de personnalités sur la scène politique : lors des dernières élections législatives, le TIP [workers’ party of Turkey] avait plusieurs candidat·es issu·es de la communauté LGBTQI+, dont la célèbre humoriste kurde, féministe et trans, Zeynep Esmeray Özadakti. Même si aucun·e n’a été élu·e, cette présence croissante dans la sphère publique est essentielle pour sensibiliser la population turque à l’importance de la communauté LGBTQI+ et à sa place dans la société, quoi qu’en disent les politicien·nes au pouvoir

Pour ce sujet, nous avons interrogé l’activiste turc Ahmet Soykarci sur la situation actuelle des personnes LGBTQI+ en Turquie :

 

Dans d’autres zones de la région, différents moyens de résistance sont utilisés pour promouvoir les droits des personnes LGBTQI+. Les actions en ligne peuvent s’avérer très efficaces dans les pays où la liberté d’expression et d’association ne sont pas considérées comme acquises. En Tunisie, depuis les soulèvements populaires de 2011, les organisations LGBTQI+ sont devenues plus visibles et plus actives dans leur travail de défense des droits, en étant présentes sur les médias sociaux et Internet. Pour rappel, le Code Pénal tunisien punit l' »homosexualité » d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Là encore, les efforts de la communauté en ligne ont eu des effets positifs hors ligne. C’est ainsi qu’en mai 2022, Tunis a accueilli la première pièce de théâtre queer du pays, « Flagranti », mettant en scène la dimension inter-générationnelle dans la lutte pour l’égalité de genre.

Outre l’augmentation de leur visibilité, nous constatons surtout que les revendications des groupes LGBTQI+ parviennent à dépasser la sphère publique pour atteindre les décideur·ses politiques. En Europe, l’égalité progresse malgré l’augmentation de la rhétorique et des attaques anti-LGBTQI+ : selon la carte et l’indice arc-en-ciel 2023 produits par ILGA-Europe,la détermination politique à faire progresser les droits des personnes LGBTQI+ et le rôle positif des arrêts de justice rendus en faveur de l’égalité de genre contrebalancent la tendance à des discours de plus en plus extrêmes et violents en Europe, notamment à l’encontre des personnes transgenres. Cette tendance est particulièrement observable en Espagne, qui a approuvé il y a quelques mois la loi sur les personnes transgenres. Cette nouvelle législation facilite la modification de l’identité de genre dans le registre d’état civil à partir de l’âge de 16 ans. Elle renforce également la protection des personnes LGBTQI+ en élargissant l’accès aux techniques de procréation assistée, en permettant la reconnaissance parentale pour les couples homosexuel·les non marié·es ou en interdisant les opérations chirurgicales inutiles pour les enfants intersexes, avant qu’ils ne puissent donner leur consentement.

Grâce à toutes ces réalisations, EuroMed Droits estime que l’égalité de genre pour toutes et tous est possible avec les efforts constants des groupes LGBTQI+. En ce mois des fiertés, nous saluons leur résistance et agissons en solidarité avec toutes les personnes qui œuvrent à la reconnaissance mondiale des droits LGBTQI+ ; droits humains universels avant tout.