Rechercher

Culture de l’impunité en Israël: Justice sinon rien !

À l’occasion du 15e Forum UE-ONG sur les droits de l’Homme, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) appelle l’UE à réfléchir à ses résultats décevants en matière de lutte contre l’impunité pour les violations graves des droits de l’Homme et du droit humanitaire international (DHI) commises par Israël à l’encontre des Palestiniens vivant dans les Territoire Palestiniens Occupés.

Ce forum a été organisé alors que la communauté internationale commémore le premier anniversaire de l’opération militaire israélienne « Pilier de défense » (novembre 2012) et le cinquième anniversaire de l’opération « Plomb durci » (décembre 2008-janvier 2009) qui ont causé la mort de 1079 personnes et lors desquelles des milliers de personnes ont été blessées[1]. Tandis que la fin de l’année 2013 approche, Israël n’enquête toujours pas comme il se devrait sur le comportement de son armée à Gaza (y compris des crimes de guerre) et elle n’oblige pas les responsables à rendre des comptes.

La culture de l’impunité dépasse de loin le cadre de Gaza et concerne également le comportement violent des forces militaires israéliennes à l’encontre des Palestiniens qui vivent en Cisjordanie ; les civils israéliens qui attaquent des Palestiniens et leurs propriétés et les services secrets israéliens qui torturent des prisonniers palestiniens.

Plusieurs organismes de l’ONU ont documenté les lacunes législatives, structurelles et opérationnelles du système d’investigation militaire israélien, comme l’a confirmé le Comité d’experts indépendants de l’ONU le 18 mars 2011. En février 2013, une commission nommée par Israël a présenté 18 recommandations, dont l’objectif était de garantir la conformité des enquêtes israéliennes au droit international.

Dans le même temps, les victimes palestiniennes continuent de se voir refuser l’accès aux tribunaux israéliens et n’ont pas droit à de réels recours, car Israël leur impose des obstacles de nature juridique, administrative, financière et physique.

Malgré ses engagements en faveur de la promotion du DHI et de l’État de droit, l’UE ne s’attèle pas efficacement au problème, que ce soit dans ses relations bilatérales avec Israël ou dans le cadre de l’ONU.  Le REMDH déplore que l’UE ait plutôt choisi de renforcer ses relations avec Israël et qu’elle se prononce en faveur de la représentation du pays au sein des forums étrangers de par le monde en ne la soumettant pas à la condition du respect du droit international par Israël.

Le Forum UE-ONG sur les droits de l’Homme est une conférence annuelle où les institutions et les États membres de l’UE interagissent avec la société civile et discutent de la manière de promouvoir et de protéger les droits de l’Homme. Alors que le thème principal de cette année est la « lutte contre l’impunité », l’UE devrait présenter des stratégies visant à rompre le cycle de l’impunité pour les violations flagrantes des droits de l’Homme avec un accent particulier sur l’accès à la justice et à des réparations pour les victimes.

Le REMDH appelle donc l’UE à :

  • exhorter Israël à garantir l’imputabilité pour les violations du DHI et du DIDH par son armée dans le TPO, en menant des enquêtes sur les violations présumées conformément aux normes internationales, en poursuivant et en condamnant les responsables ;
  • exhorter le gouvernement israélien à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations de la Commission Turkel et à présenter sans délai un calendrier clair de mise en œuvre ;
  • s’assurer que les victimes palestiniennes jouissent d’un accès adéquat aux tribunaux israéliens et qu’elles puissent obtenir réparation ;
  • subordonner ses relations avec Israël au respect du DHI et du DIDH.

Faits et chiffres sur l’impunité en Israël  

Dans le cadre des opérations Plomb durci et Pilier de défense

Seules trois inculpations ont été prononcées à l’encontre de soldats israéliens dans le sillage de l’opération Plomb durci. Deux soldats ont été condamnés à deux mois de prison pour avoir utilisé un garçon de neuf ans comme bouclier humain. Le troisième soldat, poursuivi pour avoir volé une carte de crédit, a paradoxalement été condamné à une peine plus lourde de sept mois et demi de prison.

Sur les 25 plaintes soumises par le Centre Al Mezan pour les droits de l’Homme auprès du procureur général de l’armée, six enquêtes criminelles ont été ouvertes et aucune n’a donné lieu à une inculpation ou à une compensation. Ce malgré la gravité des crimes commis (notamment l’utilisation de civils comme boucliers humains) et le fait que les témoignages des soldats israéliens corroboraient ceux des victimes.

Concernant l’opération Pilier de défense, aucune inculpation n’a été prononcée malgré les 246 plaintes civiles introduites auprès du ministère de la défense et les 79 plaintes soumises au procureur général de l’armée par le Centre palestinien pour les droits de l’Homme (PCHR). Sur les 17 plaintes soumises au procureur général militaire par le Centre Al Mezan pour les droits de l’Homme, trois ont été rejetées au motif que les soldats avaient agi conformément aux dispositions du droit de la guerre et trois enquêtes ont été ouvertes sans aucune avancée depuis les six derniers mois. Les 11 affaires restantes sont restées lettre morte, ce qui soulève de sérieuses questions quant aux délais d’exécution de la procédure.

Le 16 juillet 2012, la Knesset israélienne a approuvé l’amendement n° 8 à la loi sur les délits civils (responsabilité de l’État) qui exempt l’État d’Israël de toute responsabilité pour les dommages causés à un résident d’un territoire ennemi pendant des « actes de combat » ou des « opérations militaires ». Dans la mesure où cet amendement s’applique à la bande de Gaza de manière rétroactive à partir de 2005, Israël s’est absout de toute responsabilité vis-à-vis des victimes des opérations Plomb durci et Pilier de défense.

Impunité totale pour la torture des détenus palestiniens

Selon le Comité public contre la torture en Israël,  plus de 750 plaintes pour torture ont été déposées contre des interrogateurs de l’Agence de sécurité israélienne (ISA) au cours des dix dernières années ; le procureur général n’a ordonné d’enquête criminelle pour aucune de ses plaintes.

Impunité concernant les violations commises par des soldats israéliens en Cisjordanie

Selon l’ONG israélienne Yesh Din, 3638 plaintes ont été déposées à l’encontre de membres des forces de défense israéliennes entre 2000 et 2012. Elles n’ont toutefois donné lieu qu’à 117 inculpations seulement (3,2 %).

Violence des colons

Selon les chiffres réunis par Yesh Din, 91 % des enquêtes menées sur des crimes commis par des colons israéliens ne débouchent sur aucune inculpation. Quelque 84 % de celles ne débouchant pas sur une inculpation seraient clôturées en raison des défaillances de l’enquête.

[1] Centre Al Mezan pour les droits de l’Homme : Rapport statistique : Nombre de personnes tuées et de biens endommagés dans la bade de Gaza par les forces de l’occupation israéliennes lors de l’opération Pilier de défense