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Crise de financement à l’ONU, coïncidence ou agenda caché ?

Pilotées par des experts indépendants des droits humains, les 55 procédures spéciales des Nations unies jouent un rôle clé pour mettre en lumière les relations entre les droits humains, leur protection et l’état d’avancement des Objectifs de développement durable. Ces experts des procédures spéciales (mieux connu sous le terme de « Rapporteurs spéciaux ») sont les « yeux et les oreilles » du système onusien, faciles d’approche pour les organisations de la société civile et les activistes de terrain. Dernier exemple en date, la priorité donnée aux « défenseurs [victimes de représailles] ayant coopéré avec les titulaires de mandat » adoptée par le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, Mme Mary Lawlor. 

Et pourtant, alors que le monde fait face à une hausse potentielle du nombre de violations des droits humains en raison des crises sanitaire et économique actuelles, les procédures spéciales des Nations unies sont en manque de financements. 

Même s’il est certain que certains États peinent financièrement à contenir l’impact de la pandémie de COVID-19, certains États peuvent y voir une opportunité d’entraver le travail des procédures spéciales des Nations unies et de revenir sur leurs engagements en faveur des droits humains. 

Les personnalités politiques en Europe et à travers le monde qui critiquent de manière virulente les structures multilatérales peuvent voir la pandémie comme une alliée. La crise du COVID-19 a eu un impact considérable sur le travail du système onusien avec le report, l’annulation ou la réduction des sessions programmées pour 2020. 

Cette année, marquée par le 75ème anniversaire de la fondation de l’ONU, les Nations unies ont annoncé le report d’une mission exploratoire en Libye prévue de longue date afin de documenter les abus de droits humains, ainsi que la fin du financement de 300 centres de santé au Yémen. Tous les acteurs onusiens font face à d’importants défis en raison des effets combinés du discours anti-multilatéraliste et de la pandémie. Mais le manque de financements pour les procédures spéciales des Nations unies réduira encore davantage l’espace de dialogue entre la société civile et les Rapporteurs Spéciaux, et plus généralement tout le système onusien. Certains États ont, de façon répétée, essayé d’interférer dans ce dialogue en retardant ou en bloquant l’accréditation de certaines organisations ou en les empêchant de participer à des forums internationaux.  

La situation actuelle offre aux États membres de l’ONU l’opportunité d’exploiter la pandémie à des fins politiques. Les mesures sanitaires légitimes qui sont mises en place pour contenir la propagation du virus pourraient par exemple être utilisées pour empêcher des visites de terrain ou la tenue de réunions bilatérales entre des rapporteurs spéciaux et la société civile. 

En mettant fin à leur soutien financier aux rapporteurs spéciaux, certains États membres de l’ONU font un pas en direction d’une fermeture de l’espace pour les droits humains : après avoir ciblé la société civile chez eux, ils ciblent désormais les acteurs institutionnels et leur mandat international. L’objectif ultime est simple : mettre à bas le système de protection des droits humains.