Des centres d’accueil bondés, des milliers de demandes d’asile en attente d’examen… A Chypre, les arrivées de migrant.e.s ont augmenté en ce début d’année. Entre janvier et mars, selon le ministère de l’Intérieur chypriote, 5.500 demandes d’asile ont été enregistrées contre 1.600 sur la même période en 2021 (13.771 demandes au total). Selon le gouvernement chypriote, 5% de sa population serait constituée de demandeurs.ses d’asile ou de personnes l’ayant obtenue, soit le taux le plus élevé au sein de l’UE.
Bien qu’élevé, le nombre de ces arrivées ne doit toutefois pas impliquer que l’on réduise l’accueil des demandeurs.ses d’asile et la protection des réfugié.e.s. Au contraire, comme l’a rappelé EuroMed Droits lors d’une audition du Parlement européen, le 21 avril, sur la situation migratoire à Chypre, nombre de problèmes observés sur place résultent d’un manque de politique adéquate de gestion de la migration et de l’asile. Faute de système d’aide au logement, des migrant.e.s sont, par exemple, poussé.e.s à vivre dans la rue, tandis que des mineur.e.s sont cantonné.e.s dans des camps en lieu et place d’aller à l’école.
De surcroît, en 2020, Chypre a signé un accord avec le Liban (de facto secret puisque jamais publié) pour bloquer les départs et faciliter les retours des bateaux qui s’approchent des côtes chypriotes vers Beyrouth. Or, plusieurs rapports internationaux ont souligné que ces procédures violaient le principe de non-refoulement et EuroMed Droits a pu constater qu’elles avaient donné lieu à des refoulements en chaine vers la Syrie, à des séparations de familles, ainsi qu’à la disparition d’un migrant.
Le concept de « pays sûr », contraire à la Convention de Genève
Pour l’examen des demandes d’asile, Chypre a recours à une liste de 29 pays soi-disant sûrs (y compris l’Egypte) pour accroître son taux de retour. Cependant, le concept de « pays sûr » est contraire à la Convention de Genève qui invite à fonder l’évaluation des demandes d’asile sur les situations personnelles et non sur le pays d’origine.
Interpellée par la députée européenne écologiste Tineke Strik sur cette question des refoulements et sur la réponse que pourrait y apporter la Commission européenne, la représentante de celle-ci a fait savoir que l’institution prenait cet enjeu très au sérieux sans avoir pour autant le pouvoir d’enquêter à ce sujet. Une grande ambiguïté réside également concernant l’accord avec le Liban, dont la Commission semble connaître l’existence mais pas le contenu.
Dans ce contexte, EuroMed Droits plaide pour que la Commission européenne aille plus loin en matière de collecte d’informations sur ces violations et pour que Chypre respecte le principe de non-refoulement. Comme solution principale pour réduire les arrivées à Chypre, EuroMed Droits préconise l’ouverture de voies légales, avec le soutien de l’UE, et la mise en place de mécanismes de solidarité et de redistribution au sein de l’UE. A ce sujet, la représentante de la Commission européenne a confirmé que la question de la relocalisation depuis Chypre avait bien été abordée avec les pays membres mais que, depuis l’invasion de l’Ukraine, cet enjeu était passé à l’arrière-plan.