Le 11 février 2015, le Tribunal de première instance de Laghouat prononcera le verdict de deux procès intentés contre neuf défenseurs du droit au travail algériens. Nos organisations demandent leur libération immédiate et inconditionnelle et dénoncent l’arrestation arbitraire ainsi que le harcèlement judiciaire dont ils font l’objet, en ce que leur détention ne semble viser qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme.
M. Mohamed Rag, militant du Comité National pour la Défense des Droits de Chômeurs (CNDDC), a été arrêté le 22 janvier 2015 devant son domicile par des policiers qui étaient sur place pour arrêter un présumé voleur. Il a été embarqué avec ce dernier pour avoir refusé de répondre à une policière qui lui avait adressé la parole. Il a été immédiatement placé sous mandat de dépôt selon la procédure de flagrant délit et poursuivi pour « violences envers agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions », sur la base de l’article 148 du Code pénal. Son avocat nie tout acte de violence, et dénonce un abus de pouvoir de la part de la police ainsi que des charges infondées. Au terme de sa première audience, le 28 janvier, le procureur a requis un an de prison ferme.
Huit autres militants du CNDDC et proches de M. Mohamed Rag, dont certains sont témoins de son arrestation, ont été arrêtés à leur tour le 28 janvier 2015 lors de la première audience de M. Rag. Ces derniers souhaitaient se réunir devant le Tribunal de la ville afin de demander la libération de M. Rag. Selon le témoignage des avocats de la défense, la police les aurait arrêtés dès leur arrivée sur les lieux, avant même qu’ils puissent manifester. MM. Khencha Belkacem, Brahimi Belelmi, Mazouzi Benallal, Azzouzi Boubakeur, Korini Belkacem, Bekouider Faouzi, Bensarkha Tahar et Djaballah Abdelkader sont aujourd’hui poursuivis pour « attroupement » (art. 97 du Code pénal), et pour avoir exercé une « pression sur les décisions des magistrats » (art. 147 du Code pénal). Leur audience s’est déroulée le 4 février 2015. Le procureur a requis deux ans de prison ferme.
Les neuf activistes sont connus en ville pour leur engagement pour la défense des droits de l’Homme. Le 17 janvier 2015, ils avaient pris part à un sit-in en solidarité avec les habitants de la ville d’In Salah qui manifestent pacifiquement depuis décembre 2014 contre l’exploitation du gaz de schiste. Bien que l’état d’urgence ait été levé en 2011, les manifestations non autorisées restent considérées comme des attroupements illégaux. Les participants peuvent donc être poursuivis en justice, et encourent des peines allant de deux mois à trois ans de prison.
M. Rag avait déjà été arrêté le 20 février 2013 lors d’une manifestation devant le bureau de la main d’œuvre de Laghouat pour revendiquer le droit au travail. Poursuivi pour « attroupement », « incitation à attroupement » et « destruction de biens d’autrui », il avait finalement été acquitté le 12 mars 2013. De même, il avait été acquitté par manque de preuves le 13 juillet 2014 dans le cadre d’une autre affaire concernant une manifestation qui s’était déroulée à Laghouat le 8 juin 2014. Suite à une autre manifestation trois mois après, Mohamed Rag, Khencha Belkacem, Brahimi Belelmi, Azzouzi Boubakeur et deux autres jeunes avaient été poursuivis pour « attroupement armé » et « outrage à fonctionnaire » puis encore acquittés le 30 novembre 2014.
Nos organisations demandent aux autorités algériennes de :
• Libérer de manière immédiate et inconditionnelle MM. Mohamed Rag, Khencha Belkacem, Brahimi Belelmi, Mazouzi Benallal, Azzouzi Boubakeur, Korini Belkacem, Bekouider Faouzi, Bensarkha Tahar et Djaballah Abdelkader, en ce que leur détention ne semble viser qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme ;
• Mettre fin à tout acte de harcèlement à leur encontre, y compris au niveau judiciaire, conformément aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits humains ;
• Garantir l’exercice des libertés de réunion, d’association et d’expression, conformément à la Constitution algérienne et les dispositions du Pacte international pour les droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie.