Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme, l’Observatoire pour la protection des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) et le Syndicat National du Personnel Autonome de l’Administration Publique (SNAPAP) saluent la relaxe d’Abdelkader Kherba, en détention depuis le 21 août et accusé d’ «outrage à fonctionnaire» par le Tribunal de Ksar El Bokhari (à 150 km au sud d’Alger). Nos organisations appellent néanmoins les autorités algériennes à mettre un terme au harcèlement des défenseurs des droits de l’Homme.
M. Kherba, membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et de la LADDH, a été libéré hier après trois semaines en détention dans la prison de Ksar El Bokhari où il avait entamé une grève de la faim pour dénoncer le caractère arbitraire de sa détention. Le procureur avait requis un an d’emprisonnement et 20 000 DA d’amende (environ 200 Euros), alors que d’importantes contradictions entre les éléments de preuve apparaissaient dans le dossier et avaient été soulevées par le collectif d’avocats de la défense, dont font partie des avocats de la LADDH et du Réseau des avocats pour la défense des droits de l’Homme (RADDH).
Bien que ce procès débouche sur une relaxe, M. Kherba attend toujours de connaître le jugement d’une autre affaire dans laquelle il a été condamné en première instance par le Tribunal de Sidi M’hamed à un an de prison avec sursis pour « incitation directe à attroupement » (art. 100 du Code pénal) pour avoir assisté et filmé un sit-in organisé dans le cadre d’un mouvement social de protestation des greffiers portant sur les conditions de travail dans le milieu de la justice. L’audience d’appel est prévue le 16 septembre.
D’autre part, la première audience du procès devant le tribunal de Bab El Oued (Alger) contre Yacine Zaïd, syndicaliste et président de la section de Laghouat de la LADDH, Abdou Bendjoudi, l’un des responsables du Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (MJIC), Athmane Aouameur, membre du Réseau de défense de la liberté et des dignités (RDLD) et Lakhdar Bouziani, membre du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) aura lieu le 27 septembre. Les faits qui leurs sont reprochés remontent au 26 avril 2012 lorsque, avec d’autres militants, ils avaient participé à un sit-in pacifique devant le Tribunal de Sidi M’hamed pour dénoncer le harcèlement judiciaire dont est victime Abdelkader Kherba. Ils sont poursuivis pour « incitation à attroupement non armé » et risquent jusqu’à un an d’emprisonnement et 5 000 DA d’amende (environ 50 Euros).
Nos organisations ont fait part à maintes reprises aux autorités algériennes de leurs préoccupations concernant la multiplication des actes de harcèlement judiciaire visant les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie, qui constituent une violation des droits fondamentaux. Ce harcèlement a en outre pour effet d’empêcher les militants de jouer pleinement leur rôle en les contraignant à se consacrer à la préparation de leur défense.
Nos organisations appellent les autorités algériennes à agir urgemment afin de:
- Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M.M. Abdelkader Kherba, Abdou Bendjoudi, Athmane Aouameur, Lakhdar Bouziani et Yacine Zaid ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en Algérie ;
- Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de M.M. Abdelkader Kherba, Abdou Bendjoudi, Athmane Aouameur, Lakhdar Bouziani et Yacine Zaid ainsi que de tous les militants et les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie, afin qu’ils puissent mener leurs activités pacifiques sans entrave ;
- Garantir la liberté d’expression et de manifestation de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en Algérie qui revendiquent leurs droits de manière pacifique, en conformité avec les articles 33 et 41 de la Constitution algérienne et avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie.
Enfin, nos organisations rappellent aux autorités algériennes leur obligation de se conformer, en toutes circonstances, aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, ainsi qu’aux dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, qui prévoit notamment en son article 1 que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » et, en son article 12.2, que « l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration ».