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Agenda européen pour la Méditerranée : plus que du speed dating ?

Annoncé début décembre 2020, le « nouvel agenda pour la Méditerranée » a été publié le 9 février dernier.

C’est ce qu’on appelle une livraison rapide ! Annoncée début décembre 2020, à la suite de la célébration du 25ème anniversaire de la Déclaration de Barcelone, la communication conjointe de la Commission européenne et du Haut Représentant Josep Borrell, intitulée « Un nouvel agenda pour la Méditerranée », a été livrée le 9 février dernier, un peu plus de deux semaines après la clôture d’une consultation publique. Espérons que l’UE ait eu le temps de digérer les contributions reçues. 

EuroMed Droits se félicite de cette communication du fait qu’elle se concentre sur le sud de la Méditerranée, alors que la Politique européenne de voisinage (PEV) penche fortement vers l’Europe de l’Est. Elle présente une vue complète des politiques relatives à la région, avec une vision qui coïncide avec lbudget européen à long-terme (2021-2027) et un examen à mi-parcours prévu en 2024. Elle contient aussi quelques initiatives prometteuses, bien qu’il soit moins encourageant d’assister au recyclage de certains éléments problématiques bien connus, notamment le récent Pacte sur la migration et l’asile, et de quelques concepts utilisés comme mantras, tels que la stabilisation (mentionnée dans la PEV de 2015) et la résilience (voir la stratégie globale de 2016). 

Une initiative bienvenue, mais… 

On peut aussi se réjouir que la première priorité énoncée porte sur le développement humain, la gouvernance et l’État de droit, avec une référence explicite au Plan d’action de l’UE sur les droits humains et la démocratie. Cette dernière référence figurait déjà dans la PEV révisée de 2015, mais aucune des Priorités de partenariat signées avec les pays partenaires n’en fait mention. A saluer également : la lutte contre la désinformation et le soutien aux défenseur.se.s des droits humains, ainsi que le rétablissement du principe du « plus pour plus » en vertu de l’article 17 du projet de règlement du nouvel instrument financier pour le voisinage (IVDCI). Ce principe implique d’établir un système incitatif sur la base des progrès réalisés dans les domaines de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit. Toutefois, l’article 17 fait également référence à la coopération en matière de migration ; une conditionnalité que beaucoup, y compris EuroMed Droits, voudraient voir supprimée. 

L’agenda se penche essentiellement sur la reprise économique, la gestion des migrations et la transition verte, et ce, de manière hétéroclite : les projets phares énumérés dans le document de travail sur l’économie et l’investissement vont de la rénovation décoles à la réforme de la justice, de la promotion du retour volontaire des migrant.e.s au dessalement de l’eau de mer! Parmi les autres priorités transversales figure le soutien aux jeunes et aux femmes, bien que l’engagement en faveur de l’émancipation des femmes ne soit pas détaillé. 

Des préoccupations communes, des intérêts partagés. Vraiment? 

L’implication de la société civile dans l’élaboration et l’évaluation des politiques, et en tant que bénéficiaire d’actions de renforcement des capacités, est soulignée sans toutefois faire de la société civile un partenaire clé pour la mise en œuvre. L’UE vise principalement à soutenir les « pays partenaires », en les invitant à « travailler en étroite collaboration », en supposant que ces partenaires ont des « préoccupations communes » et des « intérêts partagés » avec l’UE. 

Dans le domaine de la paix et la sécurité, on trouve peu d’engagements de l’UE autres que le soutien aux efforts des Nations unies, le recours à sa capacité diplomatique de mettre les protagonistes autour de la table – avec un appel subliminal aux États membres à parler d’une seule voix – et la coopération en matière de sécurité. L‘UE considère l’établissement récent de relations diplomatiques entre Israël et un certain nombre de pays arabes, sous l’administration Trump, comme une occasion d’améliorer les perspectives d’une solution négociée à deux États. La menace d’annexion de la Cisjordanie a peut-être été temporairement levée, mais c’est un mirage qui ne change pas la réalité sur le terrain, celle d’une annexion de fait. 

Priorités de partenariat à revisiter 

Si l‘UE a ficelé son agenda à la vitesse grand V, sa mise en œuvre ne pourra se satisfaire d’un speed dating. Il faudra revisiter les Priorités de partenariat, définies conjointement avec cinq pays (AlgérieTunisieÉgypte, Liban et Jordanie), vu qu’elles sont arrivées à échéance. Et la négociation risque d’être ardue avec certains partenaires tels que l’Egypte. 

La mise en œuvre de cet agenda sera scrutée de près par EuroMed Droits et ses membres. La société civile doit y intégrée, non comme faire-valoir mais comme partenaire à part entière. Les défis auxquels la région euro-méditerranéenne est confrontée sont nombreux, difficiles et mais aussi porteurs d’espoir, 25 ans après l’engagement d’en faire « un espace commun de paix et de stabilité ». 

Vincent Forest 

Directeur du plaidoyer à EuroMed Droits