Bruxelles, 2/02/2016
Du 25 au 27 janvier 2016, EuroMed Droits accueillait une délégation algérienne de défenseurs des droits humains afin d’interpeller les autorités européennes sur la répression constante des voix dissidentes au régime algérien et la fragilisation de l’Etat de droit en Algérie. Cette visite intervenait au moment où la société algérienne débat du recul des libertés individuelles et fondamentales, suite à la publication de l’avant-projet de révision de la Constitution le 5 janvier dernier.
Dans une note publiée en ce jour, EuroMed Droits, en collaboration avec ses membres algériens – le Collectif des familles des disparu(e)s en Algérie (CFDA), la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) et le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) – appelle l’Union européenne (UE) et les Etats membres à relayer auprès des autorités algériennes, d’une part le grave harcèlement que subissent les défenseurs des droits humains et d’autre part l’affaiblissement de l’Etat de Droit.
Sur fond de crise sociale et économique, tout est prétexte en Algérie à l’étouffement des voix dissidentes pour mieux contrôler les changements en cours et réprimer la contestation sociale. Dans sa note, EuroMed Droits détaille comment les pressions sur les militants des droits économiques et sociaux n’ont cessé de croître ces dernières années. En témoignent les poursuites pénales et les peines de prison successives à l’encontre des militants. Un épisode particulièrement marquant de cette répression s’illustre à travers les violents affrontements intercommunautaires à Ghardaïa en juillet 2015 qui ont fait plus de 30 morts, et où les autorités ont procédé à l’incarcération d’une dizaine de militants. On assiste à une criminalisation des rassemblements de solidarité, et plus globalement à des restrictions aux libertés de réunion et d’association. Les libertés syndicales sont constamment bafouées, les syndicalistes autonomes continuent d’être harcelés, et ce malgré les recommandations émises par les instances internationales telles que le Parlement européen et l’Organisation Internationale du Travail.
D’autre part, un profond recul de l’Etat de Droit est à craindre de par l’instrumentalisation de la Justice avec le renforcement de la dépendance du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Le projet de révision de la Constitution consolide les pouvoirs présidentiels au détriment du Parlement. On note aussi la constitutionnalisation de l’impunité avec l’instauration dans la Constitution des principes établis dans la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Cela écarte définitivement les exigences de vérité et de justice sur les crimes et les disparitions forcées des années 1990. EuroMed Droits réaffirme que le respect du droit à la vérité et la lutte contre l’impunité sont des éléments déterminants de la non répétition des crimes ainsi que du renouveau démocratique et de la garantie des droits et des libertés en Algérie.
Enfin, le Réseau souligne dans sa note, les avancées mitigées en matière de droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes, bien que la loi portant amendement du code pénal en matière de violences faites aux femmes ait été adoptée par les autorités. Les femmes restent clairement désavantagées en matière de mariage, de divorce, de tutelle et de garde d’enfants selon le Code de la famille actuellement en vigueur. EuroMed Droits plaide pour une meilleure protection des femmes.
La société civile algérienne a plus que jamais besoin du soutien manifeste des autorités européennes, notamment pour défendre les militants des droits humains et l’Etat de Droit, seuls garants d’une transition démocratique qui engendrera plus de stabilité pour le pays et la région.
Selon EuroMed Droits, si la réforme de la Constitution est adoptée telle quelle, elle s’inscrira dans la lignée des changements engagés en 2012 et qui ont constitué une régression en matière de protection des droits et libertés fondamentales.