Déclaration d’EuroMed Droits concernant la situation en Tunisie.
Depuis plusieurs semaines, le régime présidentialiste de Kaïs Saïed mène sans relâche une campagne d’arrestations, d’intimidation, de dénigrement et d’attaques ciblées contre des opposant·e·s politiques, journalistes, syndicalistes et représentant·e·s de la société civile, sous le couvert d’une prétendue conspiration visant à porter atteinte à la sécurité de l’État, d’accusations de corruption ou de contacts avec des diplomates étrangers. Des militant·e·s de syndicats internationaux venus participer à des activités de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), tels qu’Esther Lynch, la Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, ont été expulsé·e·s et tout autre représentant·e syndical·e est désormais persona non grata en Tunisie.
« Ces arrestations fondées sur le délit d’opinion et la répression généralisée de la liberté d’expression sous toutes ses formes constituent une atteinte grave à l’État de droit, et font craindre un retour aux pratiques du régime autoritaire qui a précédé la révolution de janvier 2011. Le dialogue national que l’UGTT a initié en partenariat avec la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), l’Ordre national des avocats et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) afin de proposer une feuille de route pour la sortie de la crise politique, économique et sociale doit être soutenu », a déclaré Wadih Al-Asmar, président d’EuroMed Droits.
Une justice aux ordres
Accusé·e·s d’être des « traîtres » et des « terroristes », les opposant·e·s au régime mis en place, mois après mois, par le président Kaïs Saïed depuis l’accaparement du pouvoir le 25 juillet 2021, contestent la concentration des pouvoirs, en particulier la supervision du ministère de la Justice et la destitution de nombreux juges et procureurs. La prise en main du pouvoir judiciaire est une arme que les autorités tunisiennes n’hésitent plus désormais à user et abuser pour faire taire les critiques.
« L’État de droit en Tunisie est au bord du précipice », a ajouté Wadih Al-Asmar. « La présomption d’innocence est bafouée. De plus, déclarer que toute personne qui disculperait les personnes poursuivies serait considérée comme complice est une négation du rôle et de l’indépendance des juges et procureurs. L’interdiction de manifester et la volonté d’isoler la société civile tunisienne de ses contacts internationaux sont d’autres symptômes de la dérive autocratique du régime. »
Attaques contre les migrant·e·s
Le 21 février dernier, le président Kaïs Saïed a poursuivi sa diatribe en appelant à des « mesures urgentes » contre les « hordes » de migrants subsahariens, faisant sienne la théorie conspirationnise du « Grand Remplacement », qui affirme l’existence d’un complot visant à changer la composition démographique du pays. Résultat : les attaques racistes et violentes, tant officielles qu’officieuses, contre les migrant·e·s d’Afrique subsaharienne se poursuivent, menant à des arrestations et à des expulsions.
« Des migrant·e·s ont été chassé·e·s de leur maison et licencié·e·s de leur emploi ; des enfants ont été retirés de leur école ; des femmes d’origine subsaharienne auraient été violées. La peur s’installe parmi les migrant·e·s qui vivent en Tunisie, parfois depuis des années, incitant de nombreuses familles à quitter le pays pour éviter d’être la cible de violence », a indiqué Rasmus Alenius Boserup, directeur exécutif d’EuroMed Droits. « L’Union européenne et ses États membres, dans leurs relations bilatérales avec la Tunisie, doivent clairement indiquer que la répression arbitraire et l’incitation à la haine raciale sont inacceptables, et exprimer leur solidarité avec toutes les personnes arrêtées, diffamées et victimes de violence. »