Réagissant à ces mouvements, nos organisations regrettent les positions du ministère aux affaires étrangères (MAF) israélien. Non seulement il ne saisit pas l’opportunité de corriger la politique migratoire d’Israël à partir d’échanges constructifs avec la population réfugiée et d’une évaluation objective de leurs demandes, mais il persiste de surcroît à désigner les demandeurs d’asile sous les termes trompeurs d’« infiltrés clandestins ».
Israël accueille près de 53 000 demandeurs d’asile africains. Selon le ministère de l’intérieur (MI), 49 000 d’entre eux seraient originaires d’Érythrée et du Soudan, deux pays dans lesquels ils devront, en cas de retour, faire face à de considérables violations des droits humains, dont le risque d’exécution et d’emprisonnement à vie.
Au cours de sa déclaration, le MAF a affirmé qu’Israël « accorde protection » à ces personnes, conformément au droit international. Dans les faits, cette « protection » se limite à une suspension des expulsions. Les demandeurs d’asile en Israël reçoivent un « visa de libération conditionnelle » qu’ils doivent renouveler au bout de quelques mois et qui accorde seulement le droit de séjour dans le pays jusqu’à ce que leur expulsion soit possible. Durant cette période, ils n’ont pas le droit de travailler, ne bénéficient que d’un accès très restreint aux services sanitaires ou sociaux, et ne reçoivent aucune aide de l’Etat pour se loger ou se nourrir.
Alors qu’Israël s’est récemment attelé à la détermination du statut de réfugié (DSR) pour les Soudanais et les Érythréens- cette mesure n’ayant été introduite qu’en 2012 ; seules 1 800 demandes individuelles ont été déposées et à ce jour uniquement 250 d’entre elles ont été traitées. Plus surprenant encore, aucun Soudanais ni aucun Érythréen n’a obtenu le statut de réfugié, alors que partout dans le monde, 84,5 % des Érythréens et 74% des Soudanais demandant l’asile obtiennent le statut de réfugié ou une meilleure protection.
Le MAF affirme devoir mener une politique équilibrée entre le contrôle de ses frontières et le respect des droits humains des arrivants. Cependant, le nombre d’entrées de demandeurs d’asile s’est limité à moins de 100 en 2013, suite à la mise en place d’une clôture frontalière avec l’Égypte.
Dans le même temps, le nouvel amendement à la loi israélienne anti-infiltration – voté en moins de 90 jours par la Knesset suite à l’annulation de l’amendement de 2012 par la Haute Cour de Justice – continue à violer les droits des demandeurs d’asile de façon notoire. L’amendement autorise à garder un an en détention provisoire les demandeurs d’asile entrés clandestinement sur le territoire, après quoi ils sont transférés dans un complexe « ouvert » dirigé par le département pénitentiaire israélien. Les demandeurs d’asile doivent répondre à trois appels par jour et dormir dans le camp. Celui qui manque un appel ou qui travaille à l’extérieur du complexe est passible de plusieurs mois d’incarcération dans les prisons dédiées aux réfugiés, avant d’être renvoyé dans le camp « ouvert », qui n’est en réalité rien d’autre qu’un centre de détention.
La durée de détention est indéterminée et l’examen juridique des décisions n’est pas prévu.
La loi anti-infiltration ne s’applique pas seulement aux personnes ayant franchi la frontière avec l’Égypte après sa promulgation, elle cible également les demandeurs d’asile qui ont tenté de renouveler leur visa auprès du MI ces dernières semaines. Parallèlement, le ministère a également réduit le nombre de renouvellements de visa, provoquant ainsi l’arrestation de ceux qui n’ont pas pu obtenir de papiers à jour. Quotidiennement, des pères de famille sont « invités » à se rendre au « complexe ouvert », invitation à laquelle ils sont obligés de se soumettre. Ils ne sont pas autorisés à s’y rendre avec leurs épouses ou leurs enfants, et les membres de leurs familles ne sont pas autorisés à venir leur rendre visite sur leur nouveau lieu de résidence.
Israël n’expulse pas les demandeurs d’asile érythréens ou soudanais car la reconduite d’une personne vers un lieu où sa vie serait menacée constitue une violation des obligations internationales stipulées dans la Convention de 1951 relative aux réfugiés. Par conséquent, l’objectif de sa politique est de rendre les conditions de vie suffisamment pénibles pour que les demandeurs d’asile acceptent d’être reconduits vers leur pays d’origine ou vers des pays tiers, même si cela menace leur vie.
Les PHR-Israël, la HRM et le REMDH appellent Israël à honorer ses obligations internationales et à fournir une réelle protection aux demandeurs d’asile se trouvant dans le pays. L’Etat doit mettre un terme à ses pratiques de détention à durée indéterminée et doit permettre aux demandeurs d’asile présents sur son territoire de vivre dans la dignité.
Plus précisément, nos organisations exhortent Israël à :
- Se conformer aux décisions de la Haute Cour de Justice de septembre 2013 en vigueur et respecter le droit des demandeurs d’asile, conformément à la loi fondamentale israélienne : assurer la liberté des personnes, leur dignité et se conformer aux obligations internationales stipulées dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ;
- Abroger le dernier amendement de la Loi anti-infiltration, libérer tous les demandeurs d’asile actuellement détenus, et achever l’examen de leurs demandes d’asile ;
- Honorer son obligation d’assurer un examen approfondi, juste et objectif des demandes d’asile et garantir sans aucune restriction le droit à chaque demandeur d’asile de déposer une demande ;
- Assurer l’accès complet des demandeurs d’asile à leurs droits sociaux et économiques, afin de leur permettre de vivre dans la dignité.
A l’approche de la réunion du sous-comité UE-Israël sur la migration et les affaires sociales, nous appelons l’Union Européenne à :
- Rappeler Israël à ses obligations vis à vis des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris le devoir d’examiner les demandes individuelles d’asile de façon approfondie, juste et objective ;
- Exprimer sa plus grande préoccupation quant à l’évolution récente de la loi et des pratiques menant de facto à des détentions collectives à durée indéterminées et sans procès ;
- Rappeler à Israël que la détention doit être un ultime recours et que l’Etat doit s’assurer que les conditions de détention du complexe Holot soient en accord avec les normes internationales ;