Le COVID-19 a fourni une nouvelle occasion au régime égyptien d’étendre ses pouvoirs et de s’en prendre aux droits, aux libertés et à l’État de droit dans le pays, alors même que l’Égypte est confrontée à la pire crise des droits humains de son histoire récente.
Après un état d’urgence permanent datant d’avant la fin du régime de Moubarak en 2012, l’Égypte a imposé un nouvel état d’urgence en 2017 qui a été régulièrement renouvelé tous les trois mois depuis lors. La loi d’urgence a récemment été modifiée pour faire face à la pandémie de COVID-19, et certains changements sont en violation du droit international. Seuls cinq des 18 amendements concernent des urgences de santé publique, ce qui montre que l’accent est davantage mis sur l’enracinement de la répression que sur la lutte contre le virus.
Les amendements accordent au Président al-Sisi des pouvoirs accrus pour faire face à la crise sanitaire. Toutefois, ils contribuent également à étouffer la dissidence en suspendant les universités et les écoles, tout en renforçant l’autorité personnelle du Président dans le pays. Celui-ci peut interdire des assemblées sans aucune référence à des raisons de santé publique et confier l’instruction des crimes au parquet militaire, ce qui est particulièrement inquiétant. En étendant le contrôle du Président et des militaires sur le système judiciaire, l’indépendance de la justice est de facto abolie. La violation des mesures d’état d’urgence peut entraîner une peine de prison allant jusqu’à 15 ans de prison pour les citoyen.ne.s. Ces mesures portent gravement atteinte à l’État de droit.
En parallèle, le récit de la lutte contre les « fausses nouvelles » sur le Coronavirus a été utilisé pour justifier les efforts du régime visant à restreindre la liberté d’expression. En plus des quelque 500 sites web bloqués en Égypte depuis 2017, plusieurs sites d’information et de nombreux comptes sur les médias sociaux ont été bloqués par le Conseil suprême de régulation des médias au cours des deux derniers mois, pour avoir prétendument répandu des « rumeurs » sur le virus. Des journalistes ont été pris pour cible pour avoir « propagé de fausses informations », et un journaliste du Guardian a même été contraint de quitter le pays pour avoir effectué un reportage sur une étude universitaire, arguant que les chiffres des victimes du COVID-19 étaient plus élevés que ceux rapportés. Les autorités ont continué à arrêter des personnes, y compris des défenseur.e.s des droits humains, pour « diffusion de fausses nouvelles », ce qui a eu pour effet d’encombrer encore davantage les prisons saturées d’Egypte qui constituent un foyer du virus.
Alors que les médias indépendants sont bloqués, les propagandistes de l’État auraient fait circuler des théories conspirationnistes présentant le COVID-19 comme étant le produit de l’Occident tout en louant l’Égypte pour sa lutte contre ce virus.