Après des semaines de protestations et malgré une opposition et des objections constantes au sein du Parlement, la « Loi Mufti » a été adoptée par l’Assemblée Nationale turque le 19 octobre 2017. Cette loi représente une victoire du Président Erdoğan sur le sécularisme. Désormais, les muftis enregistrés auprès de l’État auront le droit d’effectuer des mariages civils.
Les muftis sont des érudits islamiques qui interprètent et expliquent la loi islamique. Ce sont des juristes qualifiés pour donner des opinions pourvues d’une autorité légale. Le premier mariage célébré par l’un des leurs a eu lieu ce 15 novembre dans le district de Bismil.
En octroyant de nouveaux pouvois aux muftis, la Turquie se distance davantage du sécularisme. Leur donner le droit de mener une cérémonie civile augmentera leur rôle et leur influence dans la sphère civile. Les opposants à cette législation craignent aussi que cette loi n’aboutisse à rendre les mariages civils caduques.
Des associations pour les droits des femmes craignent que cette pratique augmente les mariages religieux et les mariages impliquant des mineur(e)s. En effet, cette loi propose que la date de naissance ne soit donnée qu’oralement. Les défenseurs des droits des femmes expliquent que cela rendra plus difficile le suivi des abus sexuels des jeunes filles et les mariages forcés impliquant une personne mineure. Ces incidents sont généralement détectés quand ces jeunes filles accouchent à l’hôpital, les certificats de naissance étant alors officiellement requis. Avec la « Loi Mufti », les nouveaux-nés seront uniquement enregistrés par une simple déclaration et des familles pourront forcer des jeunes mariées ou des enfants abusés à accoucher à la maison pour éviter des poursuites.
Notre membre Human Rights Association en Turquie a documenté 110 cas de maltraitance d’enfants sous l’Article 103 du Code pénal turc en 2016 et déjà 82 cas dans les 6 premiers mois de 2017.