Frontière algéro-marocaine
Faudra-t-il que quelqu’un meure pour que les familles qui y sont bloquées puissent obtenir de l’eau, de la nourriture, et la protection qui leur est due ? Nos organisations exhortent à une solution immédiate avant qu’il ne soit trop tard.
Les déclarations officielles du Ministère des Affaires Etrangères algérien se déclarant prêt, le 2 juin, à accueillir les « ressortissants syriens » pour des motifs humanitaires, sont restées sans application, ce qui fait durer cette situation insupportable.
Malgré les fortes incertitudes quant au devenir véritable de ces personnes dans un pays sans loi sur l’asile notamment, la situation semblait se dénouer peu à peu, après la dénonciation par le plus haut niveau du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) à Genève d’une « situation dangereuse et intenable » le 31 mai dernier.
C’était sans compter sur les entêtements souverainistes d’Alger et Rabat. Une délégation du HCR et du Croissant Rouge algérien a ainsi attendu plusieurs heures, le 5 juin, au poste frontière de Béni-Ounif, sans que le transfert (car c’est bien de cela qu’il s’agit), n’ait lieu sur fond de conflit territorial larvé, et ce après que les forces marocaines se soient rendues coupables de refoulement en arrêtant, en pleine ville de Figuig le jour même à 6h du matin, une dizaine des réfugié.e.s pour les ramener dans la zone tampon frontalière.
C’est donc toujours l’impasse alors que le groupe, joint hier après-midi par téléphone, avait accepté d’entrer en Algérie même si leur souhait demeure celui de rejoindre leurs familles établies légalement au Maroc ou en Union européenne.
Alors que l’absence de dialogue entre l’Algérie et le Maroc perdure, des hommes, des femmes, et des enfants attendent depuis cinq jours que les forces militaires des deux pays, qui ont pourtant renforcé la surveillance dans la zone ces dernières heures, daignent leur apporter de l’eau et de la nourriture. Personne ne semble pouvoir accéder aux réfugié.e.s : ni médecin, ni HCR, ni association. Aucune aide humanitaire n’est prodiguée par aucune des autorités. Même l’eau que des résident.e.s tentent de faire parvenir depuis hier n’est jamais parvenue aux familles. La rivière toute proche est, selon les réfugié.e.s, à sec.
Nous dénonçons les traitements inhumains et dégradants infligés par les autorités des deux pays pour des motifs territoriaux, au mépris de leurs obligations légales et morales. Nous exhortons les autorités algériennes et marocaines à faire sortir immédiatement ces personnes de la zone hors droit où elles sont maintenues arbitrairement, à les traiter dignement (eau, nourriture, soins), et à leur donner un accès sans délai au HCR (Alger, Genève, ou Rabat) afin qu’elles soient enregistrées et puissent entamer les démarches nécessaire à leur accueil et au respect plein et entier de leurs droits dans le pays d’asile de leur choix, y compris le droit à l’unité et à la réunification familiale. Nous demandons enfin aux instances des Nations Unies à Genève, en particulier les bureaux du HCR mais aussi le bureau du Rapporteur Spécial des Nations Unies pour les droits de l’Homme des migrant.e.s de maintenir leur engagement au plus haut niveau sur ce dossier compte tenu de la gravité de la situation.
Nos organisations sont outrées que cet imbroglio territorial, incarné par une militarisation croissante de la zone, conduise à en oublier les principes les plus fondamentaux non seulement du droit, mais de l’humanité. Cette situation, largement médiatisée et dénoncée, n’a que suffisamment duré.