Tribune de Rachid Malaoui, Président du Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (SNAPAP)
Printemps arabe 2011, une vague de révoltes s’étend dans de nombreux pays du sud de la Méditerranée. A l’origine de ces insurrections, la remise en question des régimes autoritaires de ces pays. En Algérie, dans un souci d’apaisement, le gouvernement promet des réformes en profondeur ainsi que la levée de l’état d’urgence. En 2015, force est de constater que ces réformes n’ont été qu’un trompe-l’œil et que les restrictions des libertés publiques se font plus grandes encore.
Quatre ans plus tard, les libertés d’association et de manifestation pacifique sont encore largement brimées. Les libertés syndicales sont systématiquement remises en question par les autorités algériennes, en violation des conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) pourtant ratifiées par l’Algérie. Ces entraves empêchent d’une part le libre fonctionnement des syndicats qui ne sont pas liés au régime, mais résultent aussi en des vagues de licenciements abusifs des syndicalistes qui subissent également de lourdes poursuites judiciaires. Dans ce contexte, il leur est interdit de participer aux instances du dialogue social.
Une pratique courante des autorités est de ne pas répondre aux demandes d’enregistrement de nouveaux syndicats et associations. Or d’après la législation algérienne, les nouveaux syndicats doivent seulement notifier leur existence auprès de l’administration et non pas solliciter la permission de se constituer. Les autorités sont alors censées délivrer un récépissé qui reconnait la constitution du syndicat, mais il est fréquent que l’administration refuse la délivrance de ce récépissé. A ce jour, les dossiers de sept syndicats autonomes restent sans réponse de la part des autorités, et ce depuis plus d’un an.
Les militants syndicaux rencontrent aussi des difficultés pour fédérer ou confédérer des organisations. Depuis plusieurs années, différents syndicats tentent de constituer légalement une confédération, à savoir la Confédération Générale Autonome des Travailleurs Algériens (CGATA) pour rassembler des organisations du secteur public et du secteur privé. De multiples tentatives d’enregistrement sont restées lettre morte jusqu’ici car l’administration demeure muette. Les syndicats en question ont finalement déposé une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). La réaction ne s’est pas faite tardée et en juin 2015, la Commission des normes de l’OIT adopte quatre recommandations principales. La première recommandation exige la réintégration de tous les militants syndicaux suspendus et licenciés du fait de leur activité syndicale, la deuxième demande l’enregistrement des organisations syndicales ayant déposé leur dossier, la troisième recommandation porte sur l’envoi du projet de code de travail pour qu’une étude soit faite par les experts de l’OIT concernant sa conformité avec les conventions ratifiées par l’Algérie, enfin le dernier point cible l’arrêt de la répression contre les militants syndicaux.
Malheureusement, le mépris des autorités algériennes à l’égard des organisations syndicales autonomes persiste, empêchant les activités régulières de ces dernières, et entravant in fine la défense des travailleurs. La pluralité syndicale en Algérie reste un leurre. Cela a été particulièrement marquant en octobre 2015, lors de la dernière réunion de la commission tripartite, réunion censée encadrer le dialogue social entre le patronat, les syndicats et le gouvernement. La seule organisation syndicale invitée à l’occasion était celle affiliée au régime, l’Union générale des travailleurs Algériens (UGTA).
Les syndicalistes subissent également des persécutions en raison de leur militantisme. Plusieurs syndicalistes autonomes ont été suspendus de leur poste de travail, notamment dans l’administration publique, et certains ont été licenciés. La violence policière est aussi à l’ordre du jour lorsque les syndicats tentent de manifester ou de se rassembler pour exprimer de manière pacifique leurs revendications. Des procès iniques ont été organisés pour empêcher des mobilisations liées au droit au travail. Cela a été le cas, par exemple, pour neuf militants arrêtés à Laghouat (ville au Sud de l’Algérie) en janvier 2015. L’un de ces activistes reste toujours emprisonné.
Face à ces violations récurrentes du droit syndical, différentes organisations et institutions internationales ont exprimé leur préoccupation pour la situation des syndicalistes autonomes en Algérie. C’est le cas du Parlement Européen qui, en avril 2015, a approuvé une résolution appelant les autorités algériennes à mettre fin à ces pratiques. En juin dernier, la Commission des normes de l’OIT a examiné le cas de l’Algérie pour la deuxième fois et a condamné le gouvernement pour le non-respect de la convention n°87 sur la liberté et le droit syndical. Cet examen a été accompagné par des recommandations qui exhortent les autorités algériennes à en finir avec les obstacles rencontrés par les syndicalistes.
Face à cette situation, nous, syndicalistes algériens, en appelons à la solidarité de tous nos confrères belges, européens et internationaux pour sensibiliser davantage les autorités européennes. Il est crucial que ces dernières évoquent l’ensemble des restrictions syndicales que nous subissons, lors des réunions de dialogue et de négociations avec le gouvernement algérien.