En Tunisie, l’année 2023 a été marquée par une approche étatique raciste et xénophobe, initiée par la déclaration de la présidence tunisienne le 21 février 2023, où il évoquait les « hordes de migrants subsahariens » comme une menace pour la « composition démographique » nationale. Les répercussions de cette déclaration se sont traduites par une terrible vague de violence à travers le pays, des déplacements internes, des arrestations arbitraires et des disparitions, dont les effets persistent encore aujourd’hui.
Depuis juillet 2023, alors que de la Tunisie et l’Union Européenne signait un Mémorandum d’entente, des milliers de personnes migrantes ont été interpellées, que ce soit dans les rues ou chez elles, puis expulsées vers les zones frontalières désertiques et militarisées à la frontière avec la Libye et l’Algérie. Le 18 décembre 2023, un rapport intitulé « Les routes de la torture : Cartographie des violations subies par les personnes en déplacement en Tunisie » a recueilli et révélé les témoignages d’une vingtaine de personnes en situation de migration ayant été victimes de violences, ainsi que les observations de 30 organisations de la société civile et des activistes.
Les violences institutionnelles et policières ont atteint leur paroxysme avec le développement de réseaux de trafic de personnes d’origine subsaharienne livrées à la frontière aux milices libyennes. De nombreux témoignages mentionnent des échanges d’argent entre les parties impliquées lors du transfert forcé des migrants de la Tunisie à la Libye. Par ailleurs, la recrudescence des cas de kidnappings/d’enlèvements, dans la ville de Sfax, où des centaines de personnes en déplacement sont soumis à la torture jusqu’au paiement d’une rançon, s’ancre dans les politiques étatiques d’irrégularisation et de précarisation socio-économique des personnes migrantes, qui se retrouvent sans ressources et exposées en raison d’une politique sécuritaire répressive.
En outre, de plus en plus de femmes en situation de migration rapportent avoir subi des violences sexuelles, un phénomène qui semble se généraliser dans l’impunité totale, et dans un contexte d’extrême vulnérabilité des personnes en mouvement, tandis que la criminalisation des individus considérés en situation irrégulière prévaut désormais.
Alors que la coopération en matière de migration avec l’UE ne cesse de se renforcer, les autorités tunisiennes continuent de violer de manière flagrante leurs obligations en matière de respect des droits humains. Les deux parties doivent cesser toute coopération portant atteinte à la vie et la dignité des personnes.
Ce constat amer, partagé par des organisations de la société civile, démontre que les violations des droits humains à l’égard des personnes en situation de migration s’est généralisée et normalisée.
Les organisations signataires :
- Rappellent que la liberté de circulation est un droit fondamental, tel que stipulé à l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme depuis 1948, dont toute personne doit pouvoir jouir ;
- Dénoncent les violences quotidiennes dont sont victimes les personnes en mobilité en Tunisie, victimes de procédures d’irrégularisation et de criminalisation exacerbées par une approche sécuritaire ;
- Soulignent que la coopération sécuritaire en matière de migration entre l’UE et la Tunisie a contribué à la situation dramatique actuelle ;
- Demandent à l’Etat de veiller au respect des droits humains et à la sécurité des personnes migrantes ;
- Exhortent les autorités tunisiennes à faciliter l’accès aux droits économiques et sociaux aux personnes migrantes.
Organisations signataires
- Ligue tunisienne des droits de l’homme / LTDH
- Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux FTDES
- Association Lina Ben Mhenni
- Avocats sans frontières
- Al Bawsala
- AFRIQUE INTELLIGENCE
- Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives – FTCR
- Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)
- Association Nomad08
- Association Nachaz
- Aassociation tunisienne de défense des libertés individuelles
- Union des diplômés-chômeurs UDC
- Danseurs Citoyens Sud
- Association Tunisienne pour les Droits et les Libertés
- Association pour la promotion du droit à la différence (ADD)
- Association Sentiers
- L’association L’ART RUE
- Intersection pour les droits et les libertés)
- L’association ALDA (Association pour le Leadership et le Développement En Afrique )
- Calam
- Association Enfants de la Lune
- Legal Agenda Tunisie
- EuroMed Rights
- CCFD-Terre Solidaire
- Buon Diritto et Associazione per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione – ASGI
- Watch The Med – Alarm Phone.