Les avocat.e.s en Turquie peuvent désormais être victimes de violences physiques même au tribunal. Le 13 septembre dernier, lors de l’audience de l’affaire Ayşe Gökkan, la porte-parole du Mouvement des femmes libres, le président de la 9e Haute Cour pénale de Diyarbakır a ordonné que l’avocat de la défense soit escorté hors de la salle par les forces de police.
Le comportement du président pendant cette audience laisse beaucoup à désirer. Toute l’audience a été contraire aux principes de base de l’ONU sur le rôle des avocats ainsi qu’à l’article 6 du Code pénal turc. Les actions entreprises par le président de la Cour ont conduit 78 associations du barreau, de tout le pays, à signer une déclaration commune dénonçant une telle approche et réitérant leur détermination « à défendre l’État de droit, le droit à un procès équitable, la défense, leur profession et leurs collègues (…) face aux menaces et attaques croissantes contre la défense et la profession d’avocat ».
La violence physique contre les avocat.e.s est le dernier coup porté aux professionnel.le.s du droit en Turquie. Avant même le coup d’État manqué de 2016, ils.elles étaient la cible de persécutions et d’attaques systématiques, notamment des arrestations, détentions, interrogatoires et poursuites arbitraires. L’indépendance de la profession d’avocat.e est une garantie essentielle de l’État de droit et de la protection des droits humains de tou.te.s les citoyen.ne.s, qui sont souvent privé.e.s de représentation parce que les avocat.e.s s’abstiennent de prendre des affaires par crainte de représailles à leur encontre. Les avocat.e.s faisant l’objet d’une enquête antiterroriste peuvent se voir interdire de représenter des client.e.s accusé.e.s de terrorisme. Les tribunaux peuvent les empêcher d’accéder aux dossiers d’enquête des personnes placées en garde à vue pour suspicion d’infractions terroristes. Le quotidien BirGün a recensé un total de 1.576.566 personnes ayant fait l’objet d’une enquête pour « terrorisme » entre 2016 et 2020.
Cette escalade dans le ciblage des avocat.e.s va de pair avec les réformes législatives, adoptées pendant et après l’état d’urgence, qui continuent de restreindre l’État de droit et l’indépendance de la justice et de la profession juridique en Turquie.