Traitements inhumains et dégradants envers les africain.e.s noir.e.s en Tunisie, fruits du racisme institutionnel et de l’externalisation des politiques migratoires européennes

Les organisations soussignées expriment leurs vives inquiétudes et leur indignation quant à la situation délétère en Tunisie, tout particulièrement ces derniers jours dans la ville de Sfax. Depuis la mort d’un ressortissant Tunisien, présumément aux mains de ressortissants d’origine subsaharienne, survenue le 3 juillet 2023 lors d’une échauffourée1, cette ville est le théâtre d’affrontements entre une partie de la population chauffée à blanc par des campagnes de haine sur les réseaux sociaux, et des exilé.e.s en provenance d’Afrique subsaharienne installé.e.s dans cette ville, pris.es pour cibles. Cela s’ajoute aux graves événements racistes et xénophobes qu’a déjà connus le pays en mars 20232, ayant notamment entraîné la mort de trois personnes d’origine Subsaharienne.   

Le discours raciste et haineux, véritable « pousse-au-crime », prononcé par le Président tunisien en février 20233 n’a fait qu’encourager ces exactions, et accorder un blanc-seing aux graves violences exercées à l’encontre des personnes exilées. Et c’est bien l’attitude des autorités locales et nationales qui est en cause, laissant libre court aux fausses informations qui pullulent sur les réseaux sociaux, mais également aux violences de certains groupes – policiers, militaires ou issus de la population –, à l’égard des personnes exilées noires, férocement attaquées et violentées en toute impunité4.  

Nombre de témoignages, notamment des premier.e.s concerné.e.s, d’associations de la société civile en Tunisie mais aussi de médias étrangers, font ainsi état de graves violations des droits humains à leur encontre : interpellations violentes et arbitraires, défenestrations, agressions à l’arme blanche… Ces acteurs dénoncent une véritable « chasse aux migrant.e.s » et des rafles, suivies du renvoi forcé d’un millier de personnes aux frontières avec la Lybie ou l’Algérie, l’objectif des autorités tunisiennes semblant être de regrouper à ces frontières les exilé.e.s originaires d’Afrique subsaharienne pour les y abandonner sans assistance aucune ni moyens de subsistance, y compris s’agissant de demandeur.euse d’asile. Des rafles précédées ou s’accompagnant d’expulsions arbitraires de leurs domiciles, de destructions ou de vols de leurs biens, de traitements inhumains et dégradants, ainsi que de violences physiques5. Des violations des droits commises par des forces publiques et/ou des milices privées largement documentées, mais qui restent à ce jour sans condamnation pour leurs auteurs de la part des tribunaux ou des autorités étatiques 

Tout cela intervient dans un contexte de crise sans précédent en Tunisie, touchant tous les domaines : économique, social, politique, institutionnel, financier… Une crise accentuée par les pressions et le marchandage de l’Union européenne (UE), qui entend via un partenariat « renforcé », mais inégal en matière migratoire, imposer à la Tunisie l’externalisation des contrôles frontaliers et de la gestion migratoire6. Cette politique répressive passe par le renvoi depuis les pays européens de tou.te.s les exilé.e.s dépourvu.e.s de droit au séjour ayant transité par la Tunisie, ainsi désignée comme « pays sûr », contrairement à la Libye. Ceci, au motif de faire de la Tunisie le garde-frontière de l’UE, en charge de contenir les migrations « indésirables » et de les éloigner le plus possible du territoire européen, en échange d’une aide financière conséquente venant à point nommé (au moins 900 000 €). Le tout malgré les inquiétudes suscitées par la dérive autoritaire observée en Tunisie7 et au mépris de l’Etat de droit et des droits fondamentaux des personnes exilées en Tunisie.  

Une crise également aggravée par l’ambiguïté des autorités algériennes, qui instrumentalisent la question migratoire pour des motifs politiques en déroutant les personnes d’origine subsaharienne de l’Algérie – qui compte des frontières terrestres avec les pays d’Afrique subsaharienne – vers la Tunisie, qui n’en a pas.  

Nous exprimons notre entière solidarité avec toutes les victimes des violences, quelle que soit leur nationalité, condamnons cette violence raciste d’où qu’elle vienne, et exprimons notre indignation face au silence assourdissant et complice des autorités tunisiennes.  

Nous enjoignons la Tunisie à assumer les responsabilités qui lui incombent en protégeant de toute exaction les exilé.e.s sur son territoire, en mettant un terme à ces violences racistes et aux refoulements opérés en toute illégalité aux frontières tunisiennes, et à se conformer au droit international.  

Enfin, nous dénonçons avec la plus grande vigueur les pressions exercées par l’UE sur la Tunisie dans le cadre d’une coopération inégale et marchandée en vue d’imposer à ce pays méditerranéen sa politique ultrasécuritaire en matière d’immigration et d’asile, au mépris du droit international et des droits des personnes exilées.  

Organisations signataires  

Associations : 

Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA 

Action jeunesse du FMAS – Maroc (AJM) 

Association Femmes plurielles (FP 

Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT 

Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM 

Association des marocains en France (AMF) 

Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF)   

Association Khamsa Solidaire Ici et Ailleurs, Meurthe et Moselle, France  

Association N’aoura, Bruxelles  

Association pour la taxation des transactions financières et pour l »action citoyenne (ATTAC) 

Cedetim / IPAM 

Coalition internationale des sans-papiers et  migrants (CISPM 

Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC 

Collectif associatif pour m’observation des élections – Maroc  

Collectif marocain pour la protection sociale (CMPS) 

Comité de suivi du forum social maghrébin (FSMAGH) 

Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie  (CRLDHT) 

Coordination des sans-papiers 75 (CSP-75 

Droit ici et là-bas (Diel) 

Droit au logement (DAL 

Droit devant  

E-Joussour 

Euro-Mediterraan Centrum Migratie & Ontwikkeling (EMCEMO 

Fédération des associations avec tous.te.s les immigré.e .s (FASTI 

Fédération des tunisiens citoyens des deux rives (FTCR) 

Fondation Frantz Fanon (FFF 

Forum des alternatifs Maroc (FMAS 

Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés (GISTI) 

Le réseau syndical de la migration au Maroc   

Riposte internationale (RI) 

Le Collectif Soumoud  

Le Pont de Genève – Suisse 

Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH 

Ligue des droits de l’Homme (LDH) 

Mouvement contre le racisme et pour  l’amitié entre les peuples (MRAP 

Observatoire marocain des libertés publiques (OMLP) 

Portail Maghreb Machrek  

Réseau euro Med France (REF) 

SOS Migrants  ASBL Belgique  

SOS Racisme  

Union des Juifs français pour la Paix (UJFP) 

Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT)   

Organisations internationales : 

Avocats Sans Frontières (ASF 

Coordination maghrébine des droits de l’Homme (CMODH) 

Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH 

EuroMed Droits

Migreurop

No peace without justice

Syndicats  

Confédération française démocratique du travail (CFDT 

Confédération générale du Travail (CGT) 

Fédération syndicale unitaire (FSU) 

Union syndicale solidaire  

Partis  

Ensemble 

Mouvement des progressistes (MDP 

Nouveau parti anticapitaliste (NPA) 

Pour une Ecologie Populaire et Sociale  (PEPS