Considérant la détérioration dramatique de la situation humanitaire dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk (situé au sud de Damas), les organisations signataires exhortent toutes les parties sur le terrain à respecter leurs obligations en vertu du droit international et à assurer la protection des civils piégés par les combats. La communauté internationale doit prendre des mesures urgentes pour protéger les milliers de civils en danger et alléger les souffrances des civils les plus vulnérables.
Depuis près de deux ans, le camp est soumis à un siège imposé par les forces gouvernementales syriennes et leurs milices alliées. Une grave crise humanitaire, caractérisée par la famine et le manque d’aliments de base et de matériel de premiers soins, frappait déjà le camp de réfugiés en raison de ce siège. Le 1er avril 2015, l’organisation « État islamique en Irak et en Syrie » (EI) a lancé une attaque contre le camp de Yarmouk. Cette attaque aurait été coordonnée avec le Front « Jabhat al-Nostra » lié à al-Qaïda.
Tandis que les combattants de l’EI s’emparaient de plusieurs zones du camp précédemment contrôlées par le bataillon anti-gouvernement « Aknaf Beit al-Maqdis », des tirs à l’aveugle de mortier auraient causé la mort du journaliste militant Jamal Abu-Khalifah et du militant de la société civile Abdallatif Al-Rimawi. De nombreuses autres personnes ont été blessées, dont des membres du personnel médical de l’hôpital palestinien pris pour cible par les forces du gouvernement le 1er avril. Deux combattants de l’EI auraient été tués et d’autres personnes auraient été blessées, selon les informations transmises au REMDH par des militants basés dans le camp.
Le 4 avril, l’aviation militaire syrienne a lancé des raids aériens sur le camp et lâché des barils d’explosifs sur des zones peuplées par des civils, dont les rues Magharba, Palestine et Said Alas. Les forces gouvernementales et leurs milices alliées ont tenté d’envahir le camp depuis le nord, faisant des dizaines de victimes parmi les civils, renforçant encore les souffrances d’une population civile déjà affaiblie par le siège imposé sur le camp depuis deux ans.
Selon des militants locaux des droits de l’Homme, des civils qui tentaient de fuir via la partie nord du camp (contrôlée par les forces pro-gouvernement) sont détenus dans l’école Zeinab Al Hilalia à Tadamon, non loin du camp. Des centaines de civils, dont de nombreux femmes et enfants ont par ailleurs été contraints de chercher refuge à l’extérieur du camp dans les banlieues sud de Damas. Ces événements sont survenus alors que la communauté internationale, y compris les agences de l’ONU, ne parvient pas à répondre aux besoins humanitaires urgents de la population civile en Syrie, notamment des réfugiés palestiniens.
Aujourd’hui, des milliers de civils, dont de nombreux femmes et enfants, sont soumis au siège imposé à la fois par les forces gouvernementales et l’EI. La situation dans le camp se détériore rapidement et risque de tourner en tragédie humanitaire à grande échelle si des couloirs humanitaires sécurisés ne sont pas immédiatement mis en place.
Les installations de soins de santé, telles que l’hôpital Palestine et l’hôpital al-Basil, manquent de matériel médical de base et les parties au conflit refusent de laisser le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) apporter une aide humanitaire aux civils dans le camp et évacuer les nombreux civils blessés.
Nos organisations exhortent la communauté internationale à agir de toute urgence afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, conformément aux résolutions 2139 (2013) et 2165 (2014) du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exigent d’autoriser le passage sans entrave du personnel, de l’équipement et des denrées humanitaires dans toutes les zones, ainsi que l’évacuation sans entrave de tous les civils qui souhaitent quitter certaines zones. Le gouvernement syrien doit autoriser le CICR à accéder au camp, afin d’y apporter de la nourriture et du matériel médical et d’évacuer les civils blessés.
Des mesures ciblées doivent également être prises d’urgence afin de protéger le personnel humanitaire et les défenseurs des droits de l’Homme qui sont menacés par les groupes armés et les forces gouvernementales. Avant la récente attaque, plusieurs militants ont été assassinés au sein du camp par des inconnus, dont M. Firas Al Naji, membre de la Ligue palestinienne des droits de l’Homme en Syrie, qui a été abattu le 23 février 2015, ainsi que de M. Yehia Hourani, un militant du Croissant-Rouge, tué le 30 mars dans le camp. Un nombre inconnu de travailleurs humanitaires auraient été arrêtés par les forces du gouvernement pour avoir introduit du matériel humanitaire dans le camp.
Le gouvernement syrien doit respecter ses obligations en vertu du DHI en mettant immédiatement un terme au siège imposé au camp de Yarmouk. Il doit cesser sans délai les bombardements aériens disproportionnés et à l’aveugle, ainsi que l’utilisation de barils d’explosifs. Toutes les parties au conflit doivent cesser toute opération militaire dans les zones du camp peuplées par des civils et s’abstenir de cibler des militants pacifiques, des travailleurs humanitaires et des civils, quelle que soit leur affiliation politique.
Organisations signataires
Centre de Damas pour l’Etude des droits de l’Homme – DCHRS
Centre de Documentation des Violations en Syrie – VDC
Centre Syrien de Statistiques et de Recherche – SCRS
Centre Syrien pour les Etudes des droits de l’Homme et la Recherche
Comité pour la Défense des Prisonniers de Conscience en Syrie
Front Line Defenders – FLD
La Jour d’Après – TDA
Ligue Palestinienne des droits de l’Homme en Syrie- Syria
Ligue Syrienne pour la Citoyenneté – SL4C
Organisation Palestinienne des droits de l’Homme – PHRO
Réseau Assyrien des droits de l’Homme – AHRN
Réseau Euro-Méditerranéen des droits de l’Homme – REMDH
Réseau Syrien des droits de l’Homme – SNHR