Parties de Tunisie, les manifestations massives qui ont ébranlé le monde arabe il y a dix ans exprimaient deux exigences : le droit à la dignité et à du pain pour tou.te.s d’un côté, et davantage de libertés civiles et politiques de l’autre. En effet, ces demandes citoyennes visaient essentiellement à concrétiser les droits économiques et sociaux pour chacun.e et à atteindre une société plus juste.
Malheureusement, ce qui caractérisait les mouvements protestataires il y a dix ans est toujours valable aujourd’hui et cela risque de jeter une ombre sur les progrès déjà atteints. Les droits et les conditions socio-économiques des populations continuent d’être malmenés ; les manifestations en cours à travers la région (bien que fort limitées en raison de la pandémie) visent à dénoncer le manque d’opportunités professionnelles, la faiblesse de l’offre de services publics et la hausse des inégalités.
Des progrès remarquables ont été atteints en Tunisie en matière de droits civils et politiques. Mais le pays est bien seul à cet égard. Pire encore : les populations de la région MENA, y compris en Tunisie, sont de plus en plus déçues et au moins aussi contrariée qu’il y a dix ans par le manque d’amélioration de leurs conditions de vie et en matière de justice sociale. Cette situation est non seulement contraire aux standards internationaux mais aussi aux droits constitutionnels dans certains pays. Les inégalités salariales sont en hausse dans plusieurs pays de la région, le chômage des jeunes explose (il atteint 36% en Tunisie), ainsi que le coût de la vie. Les coupes budgétaires dans le secteur public, y compris dans les secteurs de la santé et de l’éducation, sont monnaie courante.
Ces revers majeurs, qui affectent la vie de millions de personnes dans la région, menacent les progrès démocratiques et risquent de compromettre les améliorations en termes de droits civils et politiques à long terme. Les promesses non tenues en matière d’égalité des chances ont atteint un point de bascule. Les flux migratoires sont en augmentation, alimentés par le départ de citoyen.ne.s exaspéré.e.s qui cherchent ailleurs un avenir meilleur.
Cette situation exige une prise en compte sérieuse et systématique de la part des gouvernements nationaux mais aussi de l’Union européenne dans le cadre de sa politique de voisinage méridionale. L’UE doit veiller à ce que sa coopération avec les pays partenaires du sud de la Méditerranée donne la priorité à une couverture universelle de protection sociale et à la fourniture de services publics adéquats et non discriminatoires, afin de prévenir et d’atténuer la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale dans la région. Comme EuroMed Droits l’a souligné précédemment, il est temps que l’UE prenne les personnes et leurs besoins comme point de départ de ses politiques et de ses décisions, plutôt que de se contenter seulement de la croissance macroéconomique.