La Confédération Syndicale Internationale (CSI), l’Internationale des Services Publics (PSI), l’Union Internationale des Travailleurs de l’Alimentation, de l’Agriculture, de l’Hôtellerie-Restauration, du Catering, du Tabac et des Branches connexes (UITA), le Comité International de Soutien au Syndicalisme Autonome Algérien (CISA) , le Solidarity Center d’AFL-CIO et le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH)
– Expriment leur solidarité avec les syndicalistes autonomes algériens qui luttent pour la défense des libertés syndicales ;
– Condamnent les actes d’intimidation et de harcèlement que les syndicalistes autonomes subissent régulièrement en raison de leur activisme pour la défense des libertés syndicales en Algérie, mené de manière autonome par rapport à l’Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA);
– Condamnent, en particulier, le licenciement arbitraire dont fait objet Rachid Malaoui, Président du Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (SNAPAP), depuis mai 2013 ;
– Appellent toutes les organisations syndicales et les organisations internationales de défense des droits de l’Homme à soutenir le SNAPAP en envoyant des lettres à la Présidence de la République Algérienne, exigeant que Rachid Malaoui soit réintégré dans ses fonctions dans les plus brefs délais et que le droit au détachement pour exercer son mandat syndical lui soit garanti, conformément à la législation algérienne et aux engagements internationaux de l’Algérie.
En mai 2013, Rachid Malaoui a été arbitrairement radié de son poste à l’Université de Formation Continue alors qu’il s’apprêtait à participer à la Conférence Internationale du Travail, organisée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT), en juin dernier, à Genève. Ce type de harcèlement démontre clairement une volonté de sanctionner Rachid Malaoui en raison de son activisme syndical et de son engagement pour la défense des droits de l’Homme, en violation de l’article 53 de la loi algérienne n° 90-14 du 2 juin 1990 qui stipule qu’ « aucun délégué syndical ne peut faire l’objet, de la part de son employeur, d’un licenciement, d’une mutation ou d’une sanction disciplinaire, de quelque nature que ce soit, du fait de ses activités syndicales ». En juin et juillet 2013, pendant et après la Conférence internationale du Travail, plusieurs négociations informelles ont été menées avec le Ministère du Travail et d’autres institutions d’État, au cours desquelles Rachid Malaoui a été informé de son éventuelle réintégration. Malheureusement, à ce jour, aucune mesure concrète n’a été prise et ses voies de recours pour le traitement de son dossier sont restées sans réponse de la part de l’administration algérienne.
Pour faire partie du groupe de soutien au SNAPAP, merci d’envoyer une copie de vos messages de soutien et de vos lettres de protestation à l’adresse suivante : [email protected]
LES LIBERTES SYNDICALES BAFOUEES EN ALGERIE
Bien que l’Algérie ait ratifié la plupart des Conventions de l’OIT, notamment la Convention n°87 portant sur la liberté syndicale et l’exercice du droit syndical en 1963, l’exercice des libertés syndicales est constamment entravé par des pratiques abusives de l’administration. Les actes d’intimidation visant les syndicalistes demeurent aussi une pratique courante. L’Organisation Internationale du Travail, les organisations syndicales internationales ainsi que les ONG internationales de défense des Droits de l’Homme ont condamné à plusieurs reprises ces violations et appelé les autorités algériennes à mettre en œuvre leurs engagements en matière de libertés syndicales, en conformité avec la législation algérienne et les conventions internationales ratifiées par l’Algérie.
Le droit de constituer des syndicats est régulièrement bafoué par l’administration. Alors que la loi prévoit que le récépissé reconnaissant la création d’un syndicat soit délivré dans les 30 jours suivant la réception de la déclaration de création, l’enregistrement de différents nouveaux syndicats autonomes dans les secteurs public comme privé, soutenus par le SNAPAP, est ainsi entravé par l’administration depuis plusieurs mois. En juin 2013, le SNAPAP et d’autres syndicats ont également déposé une déclaration de constitution d’une Confédération Autonome des Travailleurs Algériens (CATA) qui, comme d’autres tentatives de création de confédérations, est à ce jour restée lettre morte.
Selon la loi qui régit les modalités d’exercice du droit syndical en Algérie, pour être représentatifs au sein d’un même organisme employeur, les syndicats doivent regrouper au moins 20 % de l’effectif total des travailleurs salariés de l’entreprise. Cependant, c’est à l’employeur et à l’administration « d’apprécier » leur représentativité : une marge de discrétion tellement large qui empêche, dans les faits, la reconnaissance des syndicats et nie leur droit à la négociation.
Dans un tel contexte, les conditions imposées par la loi pour l’organisation de grèves ne peuvent pas être respectées. En l’absence de locaux pouvant accueillir les travailleurs du syndicat qui n’est pas reconnu par l’entreprise, l’organisation d’un vote à bulletin secret de l’ensemble du personnel, tel qu’exigé par la loi, ne peut pas se tenir. De plus, l’interprétation très restrictive de la loi 90-02 du 6 février 1990 permet aux autorités administratives d’interdire régulièrement les grèves sur base de termes vagues comme lorsqu’elle est « susceptible d’entraîner une crise économique grave ». La justice s’appuie d’ailleurs sur la même interprétation restrictive pour statuer sur l’illégalité des grèves suite aux plaintes déposées par les employeurs. De plus, en cas de conflit, la loi confère à l’État la possibilité de déférer le conflit de travail devant la Commission nationale d’arbitrage sans que l’employeur ou les représentants des travailleurs en aient fait la demande.
Au niveau national, bien que l’agitation sociale touche désormais tous les secteurs, y compris des secteurs où elle est généralement absente comme le secteur de la justice, les autorités algériennes continuent à refuser de reconnaître le statut de partenaires sociaux aux syndicats autonomes qui continuent d’être tenus à l’écart des négociations sociales.
Les locaux et sièges des syndicats ne sont pas à l’abri de fermetures administratives, de la surveillance et parfois de la répression policière en dehors de toute légalité. Les particuliers qui louent leur local à des organisations syndicales n’échappent pas aux pressions et aux menaces pour qu’ils mettent fin au contrat de bail. En février 2013, la Maison des Syndicats a été encerclée par la police qui en a interdit l’accès aux participants du 1er Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire et les a empêchés de se réunir. Les membres des délégations tunisiennes, marocaines et mauritaniennes ont été arrêtés et expulsés par la police. De manière générale, la liberté de réunion et de rassemblement est constamment entravée : les syndicats autonomes se voient systématiquement refuser l’octroi d’autorisations pour la tenue de réunions ou de manifestations, empêchant ainsi toute action syndicale d’envergure.
Les actes d’intimidation des syndicalistes est un autre moyen utilisé par les autorités algériennes pour essouffler l’action syndicale. Les plus engagés d’entre eux sont victimes de menaces, suspensions et licenciements arbitraires, harcèlement judiciaire, violences policières, entraves à la liberté de circulation, et leurs recours en justice restent la plupart du temps sans effets. Ainsi, les autorités judiciaires algériennes n’ont jamais donné aucune suite à la plainte portée par Rachid Malaoui, suite à la tentative de sabotage des freins de sa voiture, qui aurait pu le tuer le 15 juillet 2011 alors qu’il devait rencontrer le Rapporteur Spécial pour le droit au logement des Nations Unies. Plus récemment, le 25 mars 2013, à la veille du Forum Social Mondial (FSM) de Tunis, une délégation de 96 personnes, composée de syndicalistes du SNAPAP et militant(e)s d’associations de la société civile algérienne, a été arbitrairement interdite de passer les frontières pour rejoindre la Tunisie. Par conséquent, tous les membres de la délégation ont été empêchés de participer aux travaux du FSM.
L’ingérence des autorités algériennes dans les affaires des syndicats autonomes va même jusqu’à pratiquer le clonage des organisations syndicales autonomes afin de contester la légitimité de la direction considérée trop critique vis-à-vis du gouvernement et visant à accroître les divisions au sein du mouvement syndical. Des campagnes de calomnies et diffamation sont par ailleurs publiées dans la presse, ciblant les dirigeants syndicaux qui sont traités de « traîtres » à cause du soutien international qu’ils reçoivent dans le but de les délégitimer vis-à-vis des adhérents et légitimer, en revanche, leur répression.
Le Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (SNAPAP) est une organisation syndicale nationale, qui a été créée le 22 août 1990 et enregistrée par le Ministère du travail sous le n°01. Son président est Rachid Malaoui et le secrétaire général est Nassira Ghozlane.
Le SNAPAP œuvre dans tous les secteurs de la fonction publique et les établissements à caractère administratif. Il représente un espace de concertation, d’échange et de solidarité ; collabore avec tous les mouvements sociaux, syndicaux et associatifs nationaux et internationaux pour défendre les libertés et les droits syndicaux.
Le SNAPAP est autonome dans sa gestion et indépendant du gouvernement et de toute formation politique. Sa mission est la suivante :
– défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs de la fonction publique ;
– défendre les libertés syndicales ;
– promouvoir l’action et la culture syndicale ;
– sensibiliser les fonctionnaires à la défense des acquis sociaux ;
– lutter pour l’application des droits de l’homme et les principes fondamentaux dans tous les domaines ;
– renforcer la lutte contre la pauvreté et la corruption, et la lutte en faveur de la protection de l’environnement national, régional et international.
Le SNAPAP œuvre pour la construction d’un syndicalisme :
– de lutte pour l’amélioration des conditions sociales ;
– pluraliste et fédéraliste (accepter la pluralité des opinions et de reconnaître à toutes et à tous le droit d’opinion sur la base du respect de son statut et de son règlement intérieur) ;
– ayant une vision interprofessionnelle loin des intérêts catégoriels et corporatistes ;
– reposant sur la mobilisation, l’action et la négociation, en cherchant à réaliser l’unité la plus large des fonctionnaires dans la lutte du personnel de la fonction publique, en se basant sur une gestion démocratique ;
– luttant pour l’égalité des droits et contre toutes formes de discrimination.
En 2002, l’engagement et la forte participation des femmes dans le combat syndical a abouti à la création d’un Comité de femmes travailleuses, qui a pour mission d’inciter les femmes à s’investir dans l’activité syndicale autonome, les encourager à s’affirmer en tant que femmes citoyennes à part entière, à s’exprimer librement, à s’affranchir du tutorat et à collaborer avec la société civile. Le SNAPAP a également mis sur pied un Comité des jeunes qui œuvre pour la promotion des jeunes travailleurs et travailleuses.