Le droit de se réunir et de former des associations, qu’il s’agisse de partis politiques, d’associations socioculturelles, d’organisations de défense des droits de l’Homme, de syndicats ou d’associations caritatives, est clairement consacré en droit international. L’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies (ONU), il y a soixante ans, le 10 décembre 1948, dispose en effet que «toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques».
Plusieurs États du Sud et à l’Est du pourtour méditerranéen – l’Égypte, le Liban, la Syrie et la Turquie – prirent part au débat historique de l’Assemblée générale et fi rent partie des 48 États qui votèrent en faveur de l’adoption de la DUDH. Le texte fut massivement plébiscité: seuls six États s’abstinrent et aucun État ne vota contre son adoption. Les onze Etats du Sud et de l’Est de la Méditerranée couverts par le présent rapport sont, par la suite, devenus parties aux deux principaux traités internationaux sur les droits humains qui découlent de la DUDH : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Malgré ce début prometteur, soixante ans plus tard, les droits et les principes consacrés par la DUDH – y compris le droit à la liberté d’association – ne sont pas respectés de manière satisfaisante en pratique, notamment par les États au Sud et à l’Est de la Méditerranée étudiés dans le présent rapport. En outre, nombre de ces États doivent encore incorporer leurs obligations internationales des droits humains en droit interne, de sorte de rendre ces obligations juridiquement applicables devant les tribunaux nationaux.
Ainsi que le montrent clairement les chapitres par pays qui suivent, les gouvernements des États étudiés continuent de recourir à toutes sortes de moyens, notamment juridiques, qui entravent l’exercice du droit universel à la liberté d’association et de ses droits corolaires, les libertés d’expression et de réunion. Ils empêchent ainsi la critique, notamment les organisations de défense des droits de l’Homme, de remettre en question ou de contester leurs politiques et de faire pression pour des réformes ; et restreignent sévèrement la liberté des médias et leur mission d’information ainsi que le développement de sociétés civiles solides.
Dans la plupart des pays, des lois ont été élaborées ou ont été mises en oeuvre de façon à entraver la liberté d’association. Dans certains pays, les autorités étatiques ont eu recours à des moyens illégaux, y compris à la violence, pour priver leurs citoyens et les individus se trouvant sous leur juridiction de leur droit à s’associer. Ainsi, soixante ans après l’adoption de la DUDH, ces gouvernements continuent à ne montrer qu’un intérêt de pure forme vis-à-vis de leur obligation de promouvoir et de respecter la liberté d’association.
Au cours de l’année examinée dans le présent rapport – 2007/2008 – quelques signes positifs de changement ont pu être constatés. Mais, à l’inverse, plusieurs gouvernements ont renforcé leurs restrictions en matière de formation d’associations, notamment à l’encontre de celles considérées comme les plus susceptibles de critiquer les politiques de l’État. Ils ont développé un contrôle encore plus étendu sur les associations existantes, menaçant même la poursuite des activités de certaines d’entre elles.
Dans le même temps, les gouvernements au Sud et à l’Est de la région méditerranéenne ont continué à réprimer toute forme d’expression et de dissidence. En invoquant des lois sur la diffamation, dont les termes sont vagues et la portée étendue, ou sur des motifs spécieux de «sécurité nationale», ils ont poursuivi des journalistes, des blogueurs, des défenseurs des droits de l’Homme qui s’étaient exprimés en faveur du droit et de la justice. Ils ont interdit et dispersé des manifestations pacifi ques par la force, et ont autorisé des forces de sécurité toute-puissante à harceler, arrêter et détenir certains opposants allant parfois jusqu’à les soumettre à la torture ou à des mauvais traitements, et ce en toute impunité.